Travailler en Europe Vs travailler au Canada

Travailler au Canada

Dans un article précédent, je t'avais fait part de ma décision de quitter la Belgique pour tenter ma chance au Canada. La raison principale de ce déménagement était professionnelle : je ne trouvais pas d'emploi dans ma branche (la muséologie, et la en général).

Travailler au Canada

Crédits photo (creative commons) : Picography

Arrivée sur place sans connaître qui que ce soit, j'ai appris sur le tas une technique que je ne connaissais pas pour trouver un emploi : le réseautage. Cette manière de faire ne doit pas être confondue avec le pistonnage. Ce dernier, très pratiqué en Belgique, consiste à placer quelqu'un de compétent (ou non, peu importe) qu'on connaît au poste qu'il convoite.

Le réseautage est plus subtil et plus honnête. Le chercheur d'emploi tente de rencontrer un maximum de personnes dans un domaine en particulier pour se constituer un réseau. Via ce réseau, la puissance du bouche-à-oreille, et un peu de bénévolat (en Amérique du Nord, c'est très valorisant), tu finis toujours par tomber sur quelqu'un qui te donne ta chance.

Grâce au réseautage, et sans avoir aucune expérience professionnelle au Canada, j'ai trouvé un emploi dans ma branche en quatre mois (chose inespérée en Belgique). Bien sûr, ça demande une certaine confiance en soi, un bon feeling avec les gens, et de savoir un peu se vendre. Je sais que ce n'est pas donné à tout le monde, puisque mon mari, qui m'a suivie dans cette aventure et qui est très réservé, a plus de difficultés.

L'avantage tout de même, c'est que grâce à mon boulot, je peux emmener mon « cheum » à tous les colloques, réunions, vernissages et autres rassemblements pour lui faire un peu de publicité. J'insiste sur le fait que non, je ne fais pas de pistonnage. Je l'aide à se constituer un réseau et à se créer des opportunités. Parfois, la différence peut être mince, mais pour être plus claire, je dirais que le pistonnage est affaire de chance, alors que le réseautage est affaire de création de chances. Tu saisis la subtilité ?

Bref, me voici donc agente de mise en valeur du patrimoine pour six mois. Un CDD transformable en CDI, presque le Saint Graal. Au niveau des tâches à accomplir, je suis littéralement ravie : expositions, événementiel, gestion de projets, etc.

Au niveau du fonctionnement même du système de , je suis confrontée au choc des mondes. Je ne sais pas si c'est similaire partout au Canada, mais dans les provinces maritimes, ils ont une manière de procéder qui est assez sympa.

  1. Chaque employé possède un ou plusieurs objectifs professionnels précis. Donner un coup de main ou déléguer certaines tâches n'est pas interdit par la direction, mais n'est curieusement pas pratiqué par les employés. La fierté de faire tout, tout seul, sans doute. Plus tu en fais, plus on te donne à faire. Si tu glandouilles de temps en temps, ce n'est pas grave, du moment que tu atteins tes objectifs.
  2. Tu es tout en bas de l'échelle de l'entreprise, tu viens de sortir de l'université, et tu penses avoir une bonne idée ? Pourquoi est-ce qu'on ne t'écouterait pas ? Ta parole a autant d'importance que celle du big boss. Incroyable, mais vrai !
  3. Tu souhaites réaliser un partenariat avec une autre entreprise, mais tu ne connais personne qui y travaille ? Tu passes un coup de fil, tu demandes un responsable, tu lui exposes ton projet, il est intéressé, banco. Simplicité, confiance, efficacité.
  4. Pas besoin de prendre de montre. Si ta collègue canadienne finit à la même heure que toi (disons 17h), elle sera devant la porte de sortie à 17h01. Abandonne tout ce que tu es en train de faire, car l'heure, c'est l'heure. Si tu veux faire des heures supplémentaires, garde ça pour les gros événements. Les Canadiens des provinces maritimes ont une vie après le boulot, non mais !

Il y aurait certainement plein de petits 5, 6, 7, etc. à ajouter, mais je pense que tu peux déjà te faire une idée de l'ambiance générale et du plaisir que j'ai à travailler dans mon domaine.

Bien sûr, tout n'est pas parfait. Commençant en bas de l'échelle, mon salaire est moins conséquent qu'en Europe (mais le coût de la vie est moindre). Et les Canadiens ont la vilaine habitude de ne pas dire les choses en face, car ils détestent les conflits. Pourtant, je suis persuadée qu'une critique, dite d'une certaine manière, peut être extrêmement constructive. C'est dommage, mais ridicule à côté de tous les avantages que je vois à travailler outre-Atlantique.

Et toi ? Tu travailles à l'étranger ? Tu pratiques le réseautage ? Qu'en penses-tu ? Viens en discuter !

Toi aussi, tu veux témoigner ? C'est par ici !

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23 Comments

  • Virginie

    5 juillet 2016

    oups ! ça donnait envie jusqu’à la dernière précision ! comment se traduit cette manie d’éviter les conflits ? Est-ce qu’on te dit quand même quand ça ne va pas ou ils ne te gardent pas tout simplement ? Sinon, je ne vois pas bien comment rectifier le tir si tu pars sur un mauvais chemin, tu vois l’idée ?

    • Mary Mead

      5 juillet 2016

      Il faut arriver à décoder le langage des Canadiens. Si ils ne disent rien lorsque tu rends un travail, c’est qu’ils ne sont pas super ravis. Par contre, s’ils sont contents, ils le diront. Par contre, virer quelqu’un n’est pas banal, il faut vraiment une excellente raison (genre faute professionnelle grave ou autre).

      • Virginie

        5 juillet 2016

        D’accord, donc si tu « décodes » qu’ils ne sont pas hyper ravis, est-ce qu’il est possible d’aborder le sujet par les côtés genre « je ne suis pas sûre de moi sur ce dossier, qu’est-ce que tu en penses ? » Est-ce que, dans ce cas, la personne te dit ce qui ne va pas ?

  • Madame Fleur

    5 juillet 2016

    C’est vraiment une fois de plus très intéressant de savoir comment cela peut se passer ailleurs. C’est une grande richesse. Merci pour ton partage !

  • Pitch

    5 juillet 2016

    merci pour ce témoignange! moi aussi je travaille dans un autre pays et j’en aurais tant de choses à dire surtout à l’heure contestataire de la loi travail en France… pour le réseautage pour moi la principale différence avec le pistonnage c’est que le pistonnage peut importe tes compétences et ton expérience tu as le job car tu connais tel ou tel, alors que le réseautage c’est créer un reseau avec des personnes travaillant dans le même domain que toi et réussir à les convaincre que toi aussi tu mérites ta chance, c’est un peu comme un entretien de boulot non officiel avec des gens de ton métier qui pourront te recommander.

    • Mlle Moizelle

      5 juillet 2016

      Oui, pour moi le réseautage, c’est « te créer ta chance » comme le dit Mary Mead: par exemple, dans les métiers du livre, j’ai multiplié les stages dans différentes biblio et biblio départementale + un stage en librairie (pas payée, pour aucun de ces stages, mais pour avoir un pied dans le milieu, savoir de quoi je parle, montrer ma tête et mes capacités), fait partie du bureau de l’asso de mon master documentation (on organisait des sorties en rapport genre visite d’un journal local, visite d’une imprimerie, rencontres avec auteurs et éditeurs,…), été bénévole sur plusieurs salons du livre autour de chez moi, et intégré un groupe « comité de lecture » de littérature jeunesse, avec des profs de français, profs documentalistes, bibliothécaires jeunesse afin de créer une plaquette de sélection de bouquins à destinations des jeunes, bénévolement encore (et en plus j’ai fait de très belles découvertes)…
      Déjà, ça fait plein de trucs à noter sur le cv quand tu sors de longues études, ensuite tu as déjà rencontré les gens « du milieu », et tu as déjà une réputation, de celle qui veut et qui peut. Bref, j’ai pas eu de mal à trouver après ça! 😉

  • Mlle Moizelle

    5 juillet 2016

    Sympa l’ambiance de travail! (à part le dernier point effectivement). Tu es sûre que c’est typique au Canada ou juste à ta boite?

    • Mary Mead

      5 juillet 2016

      Après différentes conversations avec d’autres immigrés ou Canadiens, apparemment oui, le comportement est assez similaire dans d’autres boîtes. Ils n’aiment pas les conflits et font le maximum pour les éviter.

  • Leaureine

    5 juillet 2016

    Ayant des amis qui vivent et travaillent au Canada, j’ajouterai une autre précision : là bas, la plupart des salariés font une croix sur les cinq semaines de congés ! A moins d’avoir une entreprise au fonctionnement « à l’européenne », la plupart des salariés commence avec une ou deux semaines de congés annuels, et acquiert d’autres congés par l’expérience….Dur dur quand on a connu un système souple comme la France !
    En outre, il y a d’autres choses comme le fait de devoir construire soi-même son congé maternité (il n’y en a pas d’officiel au Canada, il faut donc mettre des sous et des congés de côté…), de devoir payer sa propre assurance maladie (on ne se rend pas compte de la chance qu’on a d’avoir la Sécu !) et la facilité à se faire virer du jour au lendemain (avec certes plus de facilité à retrouver un emploi ensuite).
    En revanche, c’est vrai, cette confiance des patrons vers leurs employés est juste géniale, tout comme ce regard positif et dynamisant envers les jeunes salariés, et c’est vraiment ce qui manque en Europe je trouve.

    • Nya

      5 juillet 2016

      La sécurité sociale, qui dépend des provinces, est universelle et plutôt efficace si j’en crois les gens qui y ont recours (pour ma part je ne suis pas allée chez le médecin depuis un an et demi). Ce sont les mutuelles complémentaires qu’il faut payer de sa poche, mais c’est aussi le cas en France.

      Pour les congés, les salariés commencent généralement à deux semaines quand ils débutent, mais peuvent vite grimper à quatre semaines avec une petite ancienneté. Sans oublier que les congés sans solde ne sont pas rares. Et en finissant tous les jours à 16 h 30/17 h, même avec la durée légale du travail de 40 h/semaine, les salariés sont moins épuisés.

    • Claire

      5 juillet 2016

      Je via au Canada deputies 10 ans maintenant et j’ai eu 3 enfants pour lesquels j’ai à chaque fois eu un an de congé maternité…..gros changement avec le petit 3 mois que j’avais eu en France pour ma 1ère…..
      Pour la sécurité sociale, il y a une super couverture universelle mais oui comme en France il faut payer sa propre mutuelle!
      Pour les vacances après 10 ans, j’ai 4 semaines de vacances mais aussi 7 journées personnelles que je peux prendre pour faire ce que je veux! Et il faut savoir qu’ici il y a plus de jours fériés car si un jour férié tombe un samedi ou dimanche, il sera repris le jour ouvrable suivant. Par example si le jour de l’an tombe un dimanche, ça sera férié le lundi aussi…

    • Mary Mead

      5 juillet 2016

      Je suis d’accord avec Nya sur tous ces points. Juste ajouter que non, les congés maternités ne sont pas toujours à peaufiner soi-même. Dans certaines boîtes, ils proposent 20 semaines de congés.

      De plus, oui je commence à 2 semaines de congés par an, mais j’ai la chance de cumuler mes heures de récupérations (utilisés pour des colloques, évènements ou autres). Résultat, j’ai une semaine complète de congé au mois de juillet.

  • Mélimélanie

    5 juillet 2016

    Les éléments que tu nous donnes font rêver (J’ai une sainte horreur du présentéisme que je trouve beaucoup trop présent dans notre société française!…)

    Mais j’imagine qu’effectivement tout système à ses avantages et ses inconvénients et c’est difficile de juger de l’extérieur.
    Ce que tu présentes est alléchant c’est sûr mais parce que ça correspond à ma façon de voir « l’entreprise idéale ».

    En tout cas je suis contente que tu ai trouvé un travail qui te conviennes 🙂 et si le système te plait alors c’est Jackpot!!

    • Mlle Moizelle

      5 juillet 2016

      Qu’est-ce que tu entends par « présentéisme » Mélimélanie?

      • Pitch

        5 juillet 2016

        Le presenteisme c’est passer 8h à son travail alors que tu n’as du travail que pour 7… Rester jusqu’à 18h car tu n’oses pas partir à 17h car ça fait ‘ pas bien’

        • Mélimélanie

          6 juillet 2016

          Pitch a très bien expliqué!!

          C’est me prendre une réflexion quand je pars a 17h20 pour un rendez-vous médical parce que « je vais devoir rattraper d’être parti plus tôt » alors que j’arrive à 8h que je ne prends pas de pause et que je déjeune en 1h… Ça me rends folle car pour moi dans mon métier ce qui compte c’est le travail réalisé et non le temps passé dessus. Surtout qu’en cas de dépassement horaire on ne me paye pas plus parce que je suis restée plus de temps que ce qui est prévu dans mon contrat… Et malheureusement ce ne sont pas forcément les patrons qui font les réflexions mais les collègues la plupart du temps…

        • Mlle Moizelle

          6 juillet 2016

          Ok, merci à vous 2, je situe mieux! C’est vrai que c’est terriblement stupide le « présentéisme »! :-/

          • MlleMora

            6 juillet 2016

            Oh oui le présentéïsme est un grand fléau en France, surtout à Paris où quand tu pars à 18h on te dit « t’as pris ton après-midi ? »… Même quand tu es efficace en peu de temps, ce qui compte c’est de « faire des heures »… Là dessus, on a beaucoup à apprendre des autres pays… Peut-être qu’on complexe d’avoir 5 semaines de congés par an ??
            Vouloir éviter le conflit et valoriser le travail bien fait, je trouve que c’est assez sain comme façon de fonctionner : je trouve qu’en France, quand c’est bien, on ne te dira rien, mais par contre quand tu as fait quelque chose de travers, tu le sauras tout de suite : c’est quasiment l’inverse du Canada !! 🙂

          • Virginie

            6 juillet 2016

            A ce présentéisme effectivement très bien défini, j’ajouterai un autre présentéisme qui me pèse particulièrement : la manière de présenter, c’est-à-dire la façade. Je trouve que, en France, après je ne connais pas les autres pays mais on est clairement porté sur cet aspect : talon, maquillage, etc. je trouve ça lourd car cela ne me ressemble pas.

  • Chitoge

    8 juillet 2016

    Article très intéressant et qui fait envie d’aller voir ailleurs…
    Je travaille également dans le secteur de la culture et il est vrai que souvent je pense à m’exiler pour tenter de trouver du travail ailleurs. J’habite en Suisse et le secteur culturel est complètement bouché comme partout ailleurs j’ai l’impression.
    En relisant ton dernier article où tu parles de ton travail je me pose une question, n’as-tu pas été pénalisée dans tes démarches pour l’immigration en vue de la branche dans laquelle tu travailles?
    Mon mari et moi hésitons grandement a nous lancé dans l’aventure canadienne mais j’ai peur que le manque de perspective de carrière de mon métier nous pénalise.
    Merci!

  • Mary Mead

    8 juillet 2016

    Au contraire, on a même été considéré par l’immigration comme des travailleurs qualifiés. Chaque province cherche des métiers particuliers mais dès qu’on possède au moins un master dans un domaine, ça passe sans problème. Et puis, bonne nouvelle! Mon mari vient de trouver du travail! Il sera chargé de cours en art à l’Université de la ville dès la rentrée scolaire. Je ne peux que vous encourager de partir, il faut juste bien choisir la province et ville d’installation. Partir en pensant: « Quelles opportunités professionnelles s’offre à moi ici? » Nous sommes installés à Moncton au NB. C’est pas une ville énorme, c’est pas la plus belle ville du monde mais on est épanoui dans notre quotidien. Rien que pour ça, il faut tenter et surtout ne pas avoir de regrets plus tard (même si on échoue).

    • Chitoge

      9 juillet 2016

      Merci pour ta réponse! C’est cool pour ton mari. Je vous souhaite beaucoup de bonheur pour la suite.

  • Patricia21

    6 juillet 2019

    Bonjour, merci pour ton témoignage. Je suis secrétaire médicale et j’envisage de préparer un DUFLE pour enseigner le français, une reconversion ☺️. Je souhaite partir au Canada à Vancouver. Mais, j’ai quelques appréhensions, ce sera un grand saut dans l’inconnu pour moi et mes 2 enfants. Aurais-tu des conseils ?

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