Les arts martiaux historiques : allier activité physique et goût pour l’histoire

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AMHE technique du coup tordu selon Liechtenauer 1467

AMHE, c'est l'acronyme français pour Arts Martiaux Historiques Européens, 4 mots qui regroupent de fait plusieurs disciplines, puisque couvrant tous les arts du combat en Europe depuis l'Antiquité jusqu'à la seconde guerre mondiale (il fallait bien mettre une limite !).

Moi, j'y suis venue un peu par hasard. J'étais certes attirée par la reconstitution, mais je n'avais jamais eu l'occasion d'en faire, ni de fréquenter les milieux qui en faisaient. Beaucoup d'AMHEurs font les deux. Et j'aurais pu y venir par là.

C'est en arrivant dans une grande ville pour faire mes études que j'ai découvert ça : un ami que j'ai rencontré à ce moment m'en a parlé, puis m'a invité à voir un entraînement. Les gens étaient sympas, un peu geeks pour la plupart… En fait, pour la première fois de ma vie, je découvrais (en vrai et pas sur internet) un groupe qui partageait les mêmes cultures que moi : jeu de rôle, métal, goût pour la fantasy et la science-fiction… et goût pour l'histoire. (Et la bière). J'ai accroché tout de suite ! Je vais donc t'en parler un peu.

Alors, concrètement, ça donne quoi ? Et bien ça dépend des groupes. Et ça dépend des gens. Tu peux très bien y aller et l'envisager comme un comme un autre. Auquel cas, après l'échauffement, tu pourras travailler des techniques de lutte, de dague, d'épée longue ou d'une autre arme un peu moins conventionnelle. Puis, à la fin de la séance, essayer de mettre en pratique ce que tu as appris lors d'un moment de sparring (ou combat « libre »).

Ou bien, tu pourras te plonger toi-même dans les manuscrits et, selon ton niveau de motivation, essayer de retrouver le geste à partir d'une iconographie et d'une traduction, ou t'essayer toi-même à la traduction (certains manuscrits sont par exemple traduits en anglais, mais pas en français)… ou même te lancer dans la recherche de sources !

Oui mais alors, à partir de quelles sources ces arts martiaux revivent ? Pour le coup, ça dépend lesquels, mais on va pouvoir dégager plusieurs grands types de sources.

Les manuscrits

Des traités d'armes nous sont parvenus, plus ou moins complets. Ils sont parmi les sources les plus directes qu'on puisse trouver car destinés de base à l'enseignement. Cependant, ils ne sont pas tous aussi clairs qu'un livre scolaire… En effet, un maître d'armes signant un traité avait plusieurs objectifs en tête : certes, vendre son livre, mais aussi trouver une place dans un château comme… maître d'armes. Le livre est donc conçu à la fois comme un teaser et un mémo pour les élèves. Le langage est un peu obscur. Pour te donner une idée, voici une citation (traduite) du maître d'armes Johannes Liechtenauer (XIVe siècle), qui parle ainsi :

« Tords avec agilité, jette la pointe aux mains »

AMHE technique du coup tordu selon Liechtenauer 1467

Crédits photo (creative commons) : MDZ/Digitale Bibliothek

Technique du coup tordu selon Liechtenauer, illustrée dans le manuscrit de Hans Talhoffer, 1467

Autant te dire que même avec l'illustration (généralement une ou deux images pour toute une technique…), il est difficile de savoir avec exactitude quel mouvement ce maître d'armes cherche à décrire. Fort heureusement, Liechtenauer a été de nombreuses fois glosé (commenté), notamment par Sigmund Ringeck l'aîné (1440 environ). Voici une partie du commentaire :

« Lorsqu'il te porte un coup haut ou bas depuis ton côté droit, sur l'ouverture, alors bondis en-dehors de sa frappe avec ton pied droit contre lui, bien à son côté gauche, et frappe avec les bras croisés de la pointe sur les mains. »

Ça aide déjà un peu plus !

Dans les sources écrites, on peut trouver aussi des récits de combat ou de guerre. Ils sont utiles mais il faut les prendre avec des pincettes, car l'exactitude et la description n'étaient pas dans la mentalité de toutes les époques.

Les sources archéologiques

Pour retrouver comment combattre avec une épée, il est indispensable de savoir comment était et se comportait une épée. De nombreuses armes nous sont parvenues en très bon état, comme Joyeuse, une épée à une main utilisée pour le sacre des rois de France, qui date des XII et XIIIe siècle.

Joyeuse épée de Charlemagne

Crédits photo (creative commons) : Chatsam

Cet élément vaut pour toutes les armes et armures, et même pour les vêtements. Ainsi, en Italie au XVe siècle, les gens portaient de nombreuses couches de vêtements : une vêture un peu matelassée permet des choses différentes d'un maillot de bain, en escrime civile.

Les sources iconographiques

Les images qu'on retrouve de l'époque étudiée peuvent être très instructives sur la façon de se vêtir, de faire la guerre, de quelle était la place des armes dans la culture.

Ainsi, sur cette image du siège de Sagonte, au XVe siècle, on peut voir des soldats en armure complète grimper sur les remparts à l'aide d'échelles. Voilà qui remet en question l'imagerie populaire comme quoi un homme en armure a besoin d'aide pour monter à cheval et même pour se relever du sol !

siège de Sagonte

Toutes ces sources sont à combiner pour obtenir une image la plus juste possible des arts du combat selon l'époque. À l'heure actuelle, même concernant l'arme la plus étudiée et la plus répandue dans les AMHE (l'épée à deux mains), des techniques sont encore sujettes à controverse.

Tu dois te dire qu'étudier des traités d'armes, c'est bien joli, mais les mettre en pratique doit être un peu dangereux, non ? Eh bien oui. Les AMHE sont une activité nécessitant un matériel adapté. Sans ça, il y a de forts risques de blessures, dès qu'on sort de la technique pure et qu'on fait un peu de sparring.

Un masque d'escrime est l'élément indispensable, et de préférence avec une calotte sur l'arrière, car contrairement à l'escrime sportive qui se pratique en ligne, en escrime historique, on tourne autour de son adversaire. Ensuite, il vaut mieux s'équiper de gants adaptés (matelassés y compris sur le pouce, qui prend souvent des coups), et d'un gambison voire d'une veste de maître d'armes. Une coquille ou un protège-poitrine peut venir compléter l'équipement défensif.

Et pour les armes ?

Si l'équipement défensif doit allier sécurité et liberté de mouvement, l'équipement offensif doit, lui, rester sécure tout en reproduisant au plus près les caractéristiques de l'arme. Aucun « simulateur » (pas un appareil de simulation, mais un objet qui simule l'original !) n'est parfait, mais il faut savoir que nos ancêtres avaient le même problème, et moins de ressources techniques que nous !

Si l'épée en bois reste un grand classique pour démarrer car peu onéreuse, des fournisseurs spécialisés ont développé un simulateur d'épée en nylon (et l'ont par la suite décliné pour le long couteau, la faucille, et d'autres armes). Ce simulateur a un grand avantage sur le bois : sa souplesse. Un coup de taille au nylon sera porté moins fort qu'au bois, et l'estoc devient possible alors qu'il était dangereux avec un simulateur rigide. De plus, il reste accessible financièrement.

Néanmoins, le nylon n'est pas parfait, et rend difficile le travail de ce que Liechtenauer (encore lui !) appelle le « fühlen » : le sentiment du fer (il s'agit en gros de savoir si l'adversaire appuie fort ou pas et quelles opportunités cela va permettre).

Des simulateurs en métal ont donc été développés, tels que les épées de type federschwert, reprenant les caractéristiques d'épées d'entrainement utilisées à la Renaissance en Allemagne. Plus souple qu'une vraie épée, ce qui permet l'estoc, non aiguisé, la pointe formée en spatule, ce simulateur nécessite un meilleur équipement défensif qu'une épée nylon, mais permet également un meilleur travail.

Arts Martiaux Historiques Européens

Crédits photo : Photo personnelle

Masque, veste matelassée, gants, épée en nylon, ces combattants sont bien équipés.

Arts Martiaux Historiques Européens

Crédits photo : Photo personnelle

Double touche = deux morts ! Ces escrimeurs utilisent des feders (ou federschwert).

Arts Martiaux Historiques Européens

Crédits photo : Photo personnelle

Fun fact : certains pratiquants peignent leur masque !

Je suis un peu rentrée dans les détails techniques pour te montrer que nous ne sommes pas (que) des fous avec des épées. Il y a un vrai travail de recherche encore à l'œuvre derrière ces disciplines…

Mais ce qui m'a fait accrocher, même lorsque j'ai déménagé (et donc quitté mon groupe d'origine), c'est que chacun peut s'investir physiquement et intellectuellement selon son temps et son niveau, dans une bonne ambiance (j'ai toujours senti un aspect compétition dans les autres sports de combat que j'ai testés. Il reste présent ici, mais beaucoup moins sensible).

Tu as envie d'en découvrir davantage sur les Arts Martiaux Historiques Européens ? Tu peux consulter :

  • Ce site si tu souhaites consulter les sources écrites.
  • Le site AMHE on Web si tu souhaites en savoir plus et/ou trouver un groupe près de chez toi.

Et toi, tu connaissais cette discipline ? Ça te tenterait ? Tu imaginais à quel point il était compliqué de reconstituer d'anciennes techniques de combat ? Viens en discuter !

Toi aussi, tu veux témoigner ? C'est par ici !

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9 Comments

  • Mlle Moizelle

    23 mars 2015

    Ah! comme ça me parle! rôlistes et fans de l’époque médiévale, mon mari et moi rêvons de faire de l’escrime médiévale. Mais le club le plus proches est à 2h de route, c’est no way! On a fait 3 ans d’escrime « olympique » (avec les tenues blanches et les armes électriques pour les non connaisseurs), et le maître d’arme était vraiment adorable et nous laissait parfois les canes en bois, nous ayant inculqué quelques gestes de base… Mais c’est vraiment l’escrime médiévale qui nous branche, et dès qu’un club ouvre dans le coin, on y court! 😀

    • Nya

      23 mars 2015

      Tu nous ferais un article sur les rôlistes ? Comment tu es arrivée dans cet univers, ce que vous faites concrètement… J’adorerais en savoir plus !

      • Mlle Moizelle

        23 mars 2015

        Ok, avec très grand plaisir! c’est notre passion à tous les 2… je vous ponds ça quand j’ai un peu de temps! 😉

  • Nya

    23 mars 2015

    Super intéressant, je ne connaissais pas du tout les arts martiaux historiques européens ! Je suis plutôt versée dans les arts martiaux asiatiques, c’est ce que m’évoque spontanément « arts martiaux » (d’où une fausse idée de l’article en lisant le titre). C’est passionnant d’allier sport et recherches historiques. Merci pour le partage !

    • Mam Agrume

      23 mars 2015

      À l’origine j’avais inclus « européens » dans le titre 😉
      Les arts martiaux asiatiques sont bien plus répandus que les arts martiaux historiques européens (je précise historique car la canne de combat, l’escrime sportive et le bâton portugais, par exemple, sont aussi des arts martiaux européens… bien vivaces, eux !) parce que les asiatiques, à commencer par les Japonais, n’ont jamais abandonné leur culture martiale. Même la réglementation/simplification, comme le judo qui est un sport issu du jujitsu qui est le réel art de combat n’a pas fait disparaître les disciplines préexistentes.

  • Mme Alenvers

    23 mars 2015

    j’ai fais de l’escrime médiévale avec mon mari pendant environ 6 mois il y a quelques années. Nous adorions ca surtout le fait de pouvoir faire une activité en couple, mais nous avons déménagé et nous n’avons pas retrouvé un autre club avec des horaires adaptés à disponibilités… mais il faudrait que je me renseigne de nouveau…

  • Mam Agrume

    23 mars 2015

    À l’heure actuelle on fait 45 mn de route pour aller à un entrainement… on devrait se rapprocher dans peu de temps à notre prochain déménagement, quand même.
    Mais on aime ça !

  • Madame Licorne

    24 mars 2015

    Pour celles qui cherchent un club, ce site contient notamment un annuaire (et plein d’autres infos d’ailleurs: )
    http://www.amheonweb.net/site/association_list

  • MlleMora

    25 mars 2015

    Ca a l’air de bien te plaire en tout cas ! J’adore la recherche historique qui accompagne la démarche. Je ne connaissais pas du tout, c’est génial de découvrir des choses à travers ce blog !

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