Un mélange de couleurs

Être métisse aujourd'hui

« Tu es de quelle origine ? » est la question qu’on a dû me poser le plus souvent dans toute ma vie.

Quand j’étais petite, je ne comprenais pas vraiment cette question. Je répondais « française », mais la réponse ne semblait pas convenir.

J’ai interrogé mes parents. Et là, j’ai réellement découvert que j’étais différente de mes petits camarades. J’étais métisse, ou plus précisément, café au lait. D’un père martiniquais et d’une mère française « de souche ». Bah oui, parce qu’en fait, on ne prend conscience de sa « différence » que dans le regard des autres.

Être métisse aujourd'hui

Crédits photo (creative commons) : Rashod Taylor

J’ai donc appris à répondre : « Je suis d’origine martiniquaise. », sans réfléchir à ce que ça signifiait, puisque ça ne signifiait pas grand-chose pour moi. Je n’ai pas été élevée dans la culture martiniquaise, je ne sais pas parler créole, et je n’ai même jamais mis les pieds en Martinique, alors que j’ai fait le tour du monde.

Au fil du temps, cette question a commencé à m’agacer. Pourquoi fallait-il toujours que les personnes que je rencontrais se sentent obligées de me mettre dans une case et de me rappeler ma couleur de peau ? On ne posait pas la question à mes copines d’origine bretonne ou portugaise.

Ça ne m’agaçait pas toujours, bien sûr, ça dépendait aussi du contexte. Lorsque cette question m’était posée dès le début de la conversation, ça m’énervait. Mais quand c’était au détour de la conversation, parce que la personne essayait de me connaître vraiment, alors là, je ne le prenais pas mal du tout, au contraire : je le voyais comme une marque d’intérêt pour ma personne, et non pas pour ma couleur de peau.

J’ai commencé à m’apercevoir également que cette gêne que j’éprouvais n’était pas forcément ressentie par les autres cafés au lait antillais que je pouvais rencontrer. Bien souvent, évoquer leurs origines les rendait fiers et leur permettait d’évoquer leur île avec passion. J’ai beaucoup appris sur les Antilles en écoutant des personnes qui y avaient grandi ou vécu longtemps. J’écoutais toujours ces récits avec curiosité et intérêt, mais je ne me sentais pas « antillaise ».

Non, moi, je me sens parisienne, ou plutôt banlieusarde, puisque j’ai grandi en région parisienne. J’aime la pluie, le froid ne me fait pas peur du tout, je ne supporte pas la chaleur, je déteste tout ce qui est épicé ou pimenté, j’ai l’accent parisien, et je râle comme tout bon parisien qui se respecte.

Je n’ai jamais réellement souffert de ma couleur de peau – j’ai très vite appris à m’éloigner des personnes malveillantes et à me protéger. Et puis, pendant mon tour du monde, ma couleur de peau a presque toujours été un avantage. Je passais beaucoup plus inaperçue à travers le monde que mon mari avec sa peau d’Anglais ! (Bon, certes, en Chine ou au Japon, je détonais tout de même !)

Personne autour du monde n’a remis en cause mon affirmation lorsque je disais que j’étais française de Paris. C’était accepté, point. Alors que dans mon propre pays, il est déjà arrivé qu’on me rétorque : « Non, mais avant française, t’es de quelle origine ? »

C’est parfois pesant de devoir expliquer que oui, je suis française, et que oui, je suis aussi martiniquaise (la Martinique étant un département français), mais qu’en fait, non, je suis plutôt parisienne. Mais comment en vouloir aux gens ? Ils voient ma couleur en premier lieu et se posent la question, qu’ils formulent à haute voix.

Après, il y a le choc quand on découvre que ma mère est blonde aux yeux verts. « C’est ta mère ?! » Eh oui… la génétique n’a pas vraiment de règles, mais en général, blanc + noir, ça fait pas gris, mais café au lait !

Et puis, ma fille est blanche, alors je ne te raconte même pas toutes les remarques et réflexions auxquelles on a droit ! Juste quelques perles :

  • « T’es pas déçue qu’elle ne soit pas plus foncée ? » Bah si, si, chuis ultra déçue, je vais la rendre au magasin, d’ailleurs.
  • « Au moins, ton mari sait que c’est bien sa fille ! » Oui, parce que si elle était différente, il y aurait un doute…
  • « C’est pas possible que ce soit ta fille. » (Véridique : c’est un mec antillais dans un bus qui m’a dit ça.)
  • « La prochaine, ce serait bien si elle était plus foncée, ce serait marrant ! » Oui, je fais des enfants pour faire des expériences en génétique.
  • « Ah ouais, elle est pas du tout métisse… » (avec un certain dédain) ou « Ah ouais, ça se voit bien qu’elle est métisse ! » (avec certitude)

A priori, cette question de l’origine est souvent posée aux États-Unis. Dès qu’ils entendent un accent, ils demandent d’où l’on vient, et c’est parfaitement entré dans les mœurs. Je n’ai cependant pas l’impression que cette question : « Tu es de quelle origine ? » soit aussi inoffensive en France, car elle est toujours posée à quelqu’un de couleur, ce qui n’est pas le cas dans la culture américaine.

Peut-être que je psychote là-dessus parce qu’on me l’a beaucoup posée. Peut-être que ma couleur de peau a eu beaucoup plus d’influence dans ma vie que je ne veux bien l’admettre.

Quand on est métisse, le regard des hommes n’est pas le même. Nous sommes un peu des deux camps, nous cristallisons tous les fantasmes. Bref, on a droit à tous les gros lourds de toutes les couleurs de peau existantes. Quel beau melting pot !

La diversité, pourtant, je trouve ça tellement beau, que les couleurs se mélangent. C’est un appel à la tolérance et à l’acceptation de la différence. Oui, sur le papier, c’est beau, mais en vrai, ça peut être un peu lourd, parfois.

Je vois cependant qu’il y a de plus en plus de couples « mixtes » aujourd’hui – ça n’a pas été si facile pour mes parents à l’époque. Je me réjouis de cette progression, démontrant que c’est possible de se mélanger et de vivre en harmonie (attention, hein, tous les couples mixtes ne sont pas des couples modèles à l’abri de la séparation !).

J’espère juste qu’avec le temps, plus personne ne sera gêné ou étonné par tous ces mélanges.

Et toi, as-tu des origines « visibles » et comment le vis-tu ? Demandes-tu aux autres de quelle origine ils sont ? As-tu l’impression qu’il y a plus de mélanges de couleurs aujourd’hui ? Viens nous dire !

Toi aussi, tu veux témoigner ? C’est par ici !

Relatetd Post

34 Comments

  • Seny

    22 août 2016

    Coucou MlleMora !
    Je me suis un peu reconnue dans ton article. « Un peu » parce que je ne suis pas couleur café au lait comme toi, mais, je suis née d’un père algérien et d’une mere française « de souche » pour reprendre tes mots 😉
    Comme toi également, je ne suis jamais allée en Algérie, je ne parle pas arabe et je n’ai pas été élevée dans la culture et la religion de ce pays.
    Comme je disais, je ne suis pas couleur café au lait, mais j’ai quand même les traits type Méditerranée, ainsi que le teint mat et des yeux et des cheveux très foncés.
    Quand j’étais plus jeune, moi aussi je disais que j’étais simplement française quand on me posait la question des origines, et ça ne satisfaisait pas.
    Maintenant quand on me la pose, je ressens comme le besoin de me justifier du genre « mon père est algérien et ma mere française, mais que je n’y suis jamais allée blabla ».
    Presque comme si je devais m’en excuser..
    Quand je vois toutes les personnes fières de leurs origines, qui en parlent vraiment avec le cœur, à la fois je ne comprend pas, et en même temps je les envie, car je n’arrive pas à ressentir tout ca !
    En tout cas, merci pour ton article, je constate que je ne suis pas la seule dans ce cas 🙂

    À bientôt !

    • MlleMora

      22 août 2016

      Je comprends tout à fait cette sensation de devoir se justifier, je m’empêtre dans mes explications moi aussi parfois !

  • Flora

    22 août 2016

    Vive les couples mixtes 😉
    La question des origines je l’entends souvent évidement. Mais ça ne me dérange pas plus que ça vu que je ne suis pas née en France, donc j’ai en effet d’autres origines 🙂
    Par contre je sens déjà que ça va plus me déranger si la question est posée à propos de mes enfants qui seront café au lait comme toi et qui ne connaitront que très peu ces autres origines.
    N’ayant pas un teint très foncé, je trouve aussi que ma couleur de peau passe plus partout que mon mari blanc ! Sauf en effet en Asie de l’est où j’avais l’impression d’être une attraction…

    • MlleMora

      22 août 2016

      Oui, tes enfants auront probablement le droit à cette question… Après tout dépend comment tu leur transmets la culture de ton pays d’origine. C’est sûr que quand on ne « baigne » pas dedans, c’est toujours délicat cette question !
      Oui, en Asie, je passais moins inaperçue c’est sûr : surtout mes cheveux quand je faisais des tresses, il y avait beaucoup de curiosité ! 🙂

  • Cacy

    22 août 2016

    Merci pour ce partage de sentiments.
    J’avoue ne pas trop comprendre cette gène quand on te demande ton origine. (Peut-être parce que ma peau est claire?) C’est une question assez naturelle chez moi lorsque je rencontre quelqu’un. Même si la plupart du temps ca signifie : de quelle région viens tu? Je pense que l’endroit où l’on vient participe à la construction de la personnalité.
    Et j’aurais accepté banlieusarde comme réponse. 🙂
    Ce qui me choquerait serait si on te/me demandait, en France, ta/ma nationalité, comme si on ne pouvait pas être Français sans avoir la peau blanche.

    Et le début de ton article m’a fait bondir. « D’un père martiniquais et d’une mère française « de souche ». » La Martinique c’est la France!

    Je suis d’accord avec toi pour penser que le mélange de culture edt une bonne chose et donne souvent les plus beaux des bébés.

    • MlleMora

      22 août 2016

      J’ai commencé par père martiniquais et mère française « de souche » parce qu’il n’est pas rare que les gens me demandent « et ta mère elle est française ? » après que j’ai parlé de l’origine de mon père… Oui, il y a des gens qui ne savent pas vraiment que la Martinique c’est la France…
      Je ne suis pas toujours gênée par la question, cela dépend de comment c’est abordé. Quand c’est une des premières questions posées, ça me gêne parce que je sais bien qu’on ne me l’aurait pas posé si j’avais la peau blanche. C’est une curiosité que j’entends et qui ne me gêne absolument pas quand la question arrive au détour de la conversation, plus naturellement. C’est assez difficile à expliquer car la différence est très subtile, et je comprends que tu ne le comprennes pas, surtout si de ton côté tu poses régulièrement la question à tout le monde – mais il y a des personnes qui choisissent à qui ils vont la poser…

      • Lilenok

        24 août 2016

        Mes amis antillais parlent de « métro », pour les français de métropole. Je trouve ce mot pas mal, car du coup pas besoin de préciser la nationalité française de ceux que tu appelles « de souche », puisque les antillais sont français aussi 🙂 Il fait juste la différence entre ceux des iles et ceux du vieux continent.
        D’ailleurs, on peut être antillais et français de souche, l’un n’empêche pas l’autre, depuis le temps et le nombre de génération que les antilles sont françaises!

        Moi aussi j’ai un couple mixte, mon fiancé est russe, nationalisé français. Pour le coup, il est français d’originie étrangère, et moi je suis effectivement de « souche » par rapport à lui 🙂

  • Ornella

    22 août 2016

    Ah la fameuse question! Comme toi je ne l’ai jamais trouvé innocente. Je l’aurais trouvé innocente si j’avais un accent, si la découverte de mon nom de famille faisait référence à une destination lointaine. Mais non, elle m’est régulièrement posé de but en blanc comme une affirmation, une déclaration inaliénable que je ne pouvais être d’ici.
    J’ai un groupe d’amis assez hétéroclite et oui cette question n’est posé qu’a ceux d’entre nous à qui veut attribuer une origine étrangère.
    Je te rejoins aussi sur le fait de dire qu’à l’étranger c’est plus facile de dire qu’on est français, les gens s’arrêtent à cette définition. Ici jamais. Du coup je joue l’idiote, des fois la personne s’arrête… Mais je me rends compte que ça a eu un impact assez sérieux sur ma façon de me présenter au fil des années. Comment se sentir français si les autres ne vous reconnaissent pas comme tel. Je n’ai pas trouvé de solutions.
    Contrairement à toi, j’ai vraiment attendu que mon fils prenne des « couleurs ». J’ai très mal vécu qu’on me prenne pour la nourrice de mon fils ou qu’on me dise que j’avais de la « chance qu’il soit clair de peau, ou comme toi qu’au moins ainsi il ressemblait au moins à mon mari. Pour moi ça résonnait comme une affirmation valait plus ainsi que si il avait été noir.

    • MlleMora

      22 août 2016

      « de la chance »… oh lala qu’est-ce qu’on entend parfois…
      J’ai remarqué aussi dans mon groupe d’amis que la question n’est pas posée à tout le monde, étrangement… hihi
      Et oui, je me sentais vraiment française à l’étranger, c’était plaisant d’avoir une origine acceptée ! En France, je me sens française aussi bien sûr, puisque je le suis, mais comme tu le dis très bien, souvent la réponse se satisfait pas, ne suffit pas…

  • Madame D

    22 août 2016

    Un peu comme Cacy, c’est peut être parce que j’ai la peau blanche que je n’ai jamais vu de mal avec cette question.
    Personnelement je suis curieuse. et quand je demande aux gens les origines c’est plus pour savoir d’ou viennent leurs familles. ça ne se voit pas chez moi mais la famille de ma mère vient des pays de l’Est (si j’ai quand même les yeux bleus). Et même si je n’ai jamais mis les pieds je suis assez fier de mes origines et mes racines. La famille de mon père vient du Nord de la France, des Chtis depuis plusieurs générations et j’avoue que j’adore parler des origines avec les gens. Et c’est vrai que quand je rencontre des personnes « de couleurs » ou avec un accent ou autres, j’aime savoir d’ou ça vient. Sans aucune arriere pensé. Juste de la curiosité.

    • MlleMora

      22 août 2016

      Oui, je comprends très bien cette curiosité, j’aime beaucoup parler des origines également. Après, j’imagine que ce n’est pas la 1ère question que tu poses à quelqu’un quand tu le rencontres ! C’est normal que tu n’y vois pas de mal car elle part d’une intention de découvrir l’autre. Ce qui me gêne, c’est quand c’est posé de but en blanc juste après avoir dit mon prénom comme si c’était pas possible que j’ai un prénom aussi français avec ma couleur de peau… 😉

  • Madame Vélo

    22 août 2016

    Ben j’avais déjà entendu des personnes dans la même situation que toi et avec le même discours… mais je rejoins Madame D – s’il m’arrive de poser la question ce n’est en aucun cas pour stigmatiser, mais plutôt par curiosité envers la personne. Je trouve ça chouette de connaître les origines des gens que je rencontre/côtoie, et je trouve les café au lait tellement beaux ! Alors c’est sûr que la question se pose peut-être plus vite pour quelqu’un à la peau plus foncée, mais quand je vois une personne très blonde aux yeux bleus j’imagine tout de suite qu’elle vient des pays du nord ! On porte tous nos origines sur nous, et je n’ai jamais imaginé que cette question puisse blesser. Quand on me demande d’où je viens je suis contente de raconter où j’ai vécu et d’où viennent mes parents. Mais c’est vrai que je n’ai jamais eu à subir de racisme, donc je n’y vois jamais du mal dans la question. Moi quand je la pose c’est au même titre que « tu fais quoi dans la vie »! (question qui peut être mal perçue par un chômeur soit dit en passant ! mais dans ce cas faut-il arrêter de s’intéresser aux gens ?)

    • MlleMora

      22 août 2016

      Oui, je comprends parfaitement ton point de vue, et je sais bien que pour beaucoup, il s’agit de découvrir l’autre. Ca ne me gêne pas dans ce cas-là en général, on sent bien quand c’est sans arrière-pensée. Rassure-toi, je ne le vis pas mal à chaque fois !

  • Ornella

    22 août 2016

    Je ne suis pas sûre qu’il faille arrêter de intéresser aux gens.
    Déjà d’un je pense qu’il y a une question de récurrence dans la question. Mais plus encore que la question c’est souvent la rhétorique qui suit qui pose problème. Si tu rencontres une blonde aux yeux bleus qui te répond qu’elle est française, lui répondras-tu: « mais en vrai? » ou « et avant ça? » pas sûre…
    Dans mon cas je ne suis pas sûre que la question me poserait problème si les gens s’arrêtaient à la réponse que je leur donne, quelle qu’elle soit.

    • MlleMora

      22 août 2016

      Oui, le « en vrai ? » et « avant ? », ça c’est assez énervant… Rien à voir avec la question de curiosité…

  • Madame Fleur

    22 août 2016

    Ayant un type méditerranéen (sans doute hérité de mes origines espagnoles) et même si depuis que je vis en région parisienne, il est moins prononcé, au tout début de ma vie parisienne j’etais souvent interpellé par des hommes d’origine maghrébine qui me demandait d’où j’étais. Et quand je répondais française, ils me demandaient oui mais avant ?
    Donc dans une certaine mesure, je comprends que cela puisse t’énerver.

    • MlleMora

      22 août 2016

      Hihi oui, j’ai beaucoup vécu cette situation : les hommes d’origine maghrébine croient tous que je suis de la même origine qu’eux… et comme toi, ils insistent et ont du mal à me croire… Agaçant, oui ! Maintenant que j’ai quitté Paris ça m’arrive moins souvent !

  • Die Franzoesin

    22 août 2016

    Moi qui suis « juste » châtain aux yeux bleus, je découvre avec vraiment beaucoup d’intérêt ton ressenti sur tout ça. Alors merci de cet article !!

    • MlleMora

      22 août 2016

      Ravie que ça puisse te faire découvrir quelque chose ! 🙂

  • Nya

    22 août 2016

    Merci pour cet article 🙂
    Il y a longtemps, j’ai demandé au conjoint d’une amie, qui est noir, « d’où il venait ». On m’a répondu qu’il était français. Oups – j’ai alors pris conscience d’avoir été lourde. Plus tard, il m’a dit être « d’origine camerounaise ». Ensuite, si le contexte s’y prêtait, par exemple si la personne tendait des perches (« dans ma culture bla bla bla »), je demandais à la personne « de quelle origine » elle est. Il me semblait que cela faisait un bon compromis : je me renseignais sur l’ascendance de la personne, sa culture, sans partir du principe qu’elle était étrangère parce sa peau n’avait pas la même couleur que la mienne.
    Et puis un jour j’ai posé la question hors contexte à une copine aux yeux bridés, et j’ai encore été lourde parce qu’elle n’avait aucun ancêtre asiatique, juste une particularité physique. Finalement j’ai arrêté de poser la question, en me disant que si quelqu’un avait envie de parler de ses « origines », de sa « culture » ou je ne sais quoi, elle en parlerait d’elle-même, et que je pourrais assouvir ma curiosité à ce moment-là.
    Tout cela, c’était en France. Maintenant la donne a un peu changé puisque je côtoie pas mal d’expatriés et on SAIT qu’on est expatriés de par notre accent. Mais la question ne nous gêne pas (trop… des fois c’est lassant de répéter en boucle qu’on vient de France) parce qu’on est tous dans le même bateau.

    • MlleMora

      22 août 2016

      Hihi j’aime bien ton expression « j’ai été lourde » 😉
      Effectivement, je ne pose personnellement jamais la question et bien souvent les personnes qui souhaitent partager sur leurs origines le font d’elles-mêmes. Concernant l’accent, je me dis aussi que ça doit être lourd qu’on nous demande sans cesse d’où on vient parce que notre accent est différent… Hors contexte expatrié bien sûr, puisque comme tu le dis, vous savez déjà que vous êtes expatriés donc la question s’entend plus aisément !

  • Louna

    22 août 2016

    Merci pour cet article, dans lequel je me retrouve beaucoup !

    Comme Seny, j’ai un père algérien et une mère française, et tout au long de ma vie, j’ai entendu cette question que, comme toi, j’ai tout d’abord eu du mal à comprendre.

    L’histoire de mon père avec son pays est (très) compliquée, et il ne nous a pas élevées, ma soeur et moi, dans sa culture arabe ou kabyle (encore une autre subtilité de mes origines). Du coup, je ne me sens ni algérienne, ni kabyle, mais plutôt bien française. Que répondre alors, quand on me demande mes origines, quand on insiste lourdement, comme l’a si bien dit Ornella, aux « mais en vrai ? », « et avant ? »

    Par contre, je ne suis pas tout à fait d’accord avec toi : à l’étranger, surtout en Europe, lorsque je répondais que j’étais française, on m’a souvent demandé des précisions sur mes origines.

    Et pour répondre à Mme Vélo, Cacy ou Madame D, vos questionnements et votre intérêt ont beau être sincères, la question est parfois mal posée, sûrement pas venant de vous, puisque vous êtes justement sensibles à ce sujet ;-), mais c’est malheureusement souvent pas le cas, lorsque l’interlocuteur insiste lourdement. Et on se retrouve à devoir se justifier, ce qui est vraiment inconfortable. De même, la fréquence à laquelle arrive cette question de nos origines a tendance à être un peu crispante.

    • Ornella

      22 août 2016

      Ça me rappelle, l’histoire d’une camarade de classe au collège qui était métisse adoptée et était obligé de justifier sa méconnaissance de son origine supposée et donc devait déballer a chaque fois qu’elle était adoptée. C’est vrai qu’on y pense pas mais ça peut aussi être lourd pour des personnes aux filiations complexes.

      • MlleMora

        22 août 2016

        J’imagine comme ça doit être pénible à force, effectivement pour les enfants adoptés…

        Louna, ah oui en Europe on insiste quand même ? Je n’ai peut-être pas assez séjourné en Europe pour m’en rendre compte… En Amérique du Sud et en Asie en tout cas, ma réponse a toujours suffit (de toute façon quand tu dis que tu viens de Paris, les yeux des gens s’illuminent tellement qu’ils ne te regardent même plus ! ;))
        Comme tu le dis, le « problème » c’est surtout quand on ne se sent pas appartenir à la culture à laquelle on nous associe. Si on me disait « ah tiens, tu as un accent parisien », et bien ça ne me gênerait pas du tout car je m’y reconnais totalement… Mais en général, ce n’est pas ce qu’on remarque chez moi…

  • Mademoiselle Black

    22 août 2016

    Très intéressant article! C’est rigolo parce que je vis à peu près la même situation mais sous un éclairage un peu différent: moi, quand on me pose la question, je n’ai pas la réponse !

    J’ai été adoptée et je ne sais rien de mes parents biologiques. Par contre j’ai des traits méditerranéens, et on me demande souvent d’où je viens. Les kabyles me demandent souvent si je viens aussi de chez eux, par exemple. Mais du coup quand on me demande d’où je viens et que je réponds « je n’en sais rien », les gens essaient de deviner et j’ai toujours adoré écouter leurs suggestions et m’imaginer une famille ici ou là :-).

    Souvent les gens me racontent leur famille, en retour! Alors oui je pose aussi beaucoup la question, plus à cause d’un accent que d’une couleur de peau en général, mais c’est parce que j’adore écouter les histoires de vie des gens. Et leur rappeler au passage qu’ils ont de la chance d’avoir « des origines » et que ça se voie !

    Personne n’a jamais mal réagi à mes questions, peut être comme tu le dis parce qu’on sent que ce n’ est pas par racisme ! Ne sachant pas moi-même d’où je viens ça serait malvenu de ma part de juger quelqu’un sur son origine ou sa religion ! J’ai adopté la nationalité, la religion et le milieu social de ma famille adoptive mais je n’ai que trop conscience que ça aurait pû être très différent !

    Voilà j’ai écrit un roman mais en tout cas merci pour cet article, je réfléchirai la prochaine fois avant d’interroger quelqu’un !

    • MlleMora

      22 août 2016

      Les gens doivent effectivement être interloqués quand tu réponds que tu n’en sais rien ! 🙂 Et du coup, je pense que ça désamorce tous les préjugés qu’ils auraient pu avoir et essayer de trouver des origines ouvre des tas de possibilités ! – ça m’amuse personnellement beaucoup quand je réponds « devine » et que la personne cherche des tas de pays différents… Mais il faut que je me sente à l’aise avec la personne pour répondre ça et la laisser divaguer…

  • Virginie

    22 août 2016

    Je pense que ma belle-soeur vit la même chose. Hum, si elle m’en parlait je lui conseillerai plutôt de répondre « je suis française » et si besoin de précision « ma mère est de métropole et mon père de Martinique ». Je trouve que cette formulation permet de bien recadrer le débat qui doit rester régional et non pas de nationalité. Oui, tu es française ! 🙂
    Généralement, je ne me permets pas de poser la question car je le devine, de la même manière que j’arrive à identifier d’autres régions française par l’accent, je sais généralement identifier de quel DOM les gens sont issus ou originaires. Mais pour moi, c’est comme de dire parisienne… ou comme toi, non non non je ne suis pas Parisienne, je suis banlieusarde ! je me désespère de faire comprendre ça aux autres régions 😉

  • Anna

    22 août 2016

    Il m’arrive également souvent que l’on me demande mes origines, je pense que c’est surtout du à mes cheveux noirs et bouclés. Je suis française et les gens sont surpris lorsque je n’ai pas d’origine à leur donner. Je fais typé méditerranéenne. Mon mari est marocain et à la maternité, une sage femme a été assez méprisante, elle voulait absolument savoir mes origines, et n’avait pas l’air de me croire lorsque je lui disais que j’étais française, je n’ai pas vraiment aimé son regard. J’ai également eu droit à des réflexions sur le teint de bebe. « Ah c’est bien il est clair de peau, mais ça peut changer… » Les gens sont parfois très maladroits.

  • Ars Maëlle

    23 août 2016

    J’ai une petite histoire marrante qui m’a permis de prendre conscience du poids que ça représente pour les « non blancs », cette question…
    J’ai fait des études d’architecture, et on a tous constaté combien notre vécu de l’espace influence notre manière de concevoir : maison, appartement, grande ville, banlieue, campagne… le(s) lieu(x) où on a grandi, ça façonne notre rapport à l’espace et notre manière de penser nos projets d’architecture.
    Je me suis retrouvée dans un petit groupe de travail avec une fille que je ne connaissais pas trop, qui avait la peau café au lait et des tresses africaines. Quand je lui ai demandé d’où elle venait, elle m’a répondu complètement sur la défensive qu’elle était française, alors que je voulais juste savoir où elle avait grandi pour mieux cerner son approche (dans le Limousin en l’occurrence).
    Ce qui est drôle, c’est que je suis tellement fière de mon mélange d’origines (corso-belgo-hispano-réunionaise) que j’aimerais qu’on me pose la question plus souvent, mais mon physique méditerranéen classique fait que les gens le font très peu (mais se plantent tout le temps s’ils essaient de deviner 🙂 ).
    Bref, je pense que les intentions des gens qui posent cette question jouent beaucoup dans la façon dont on peut la recevoir, mais qu’en effet, il faut garder en tête que ceux qui la subissent à longueur de journée peuvent être lassés, donc comme tu dis, la garder pour un approfondissement et pas comme une entrée en matière

  • Miss Chat

    23 août 2016

    Ah je fais partie de ces gens qui demandent facilement l’origine… Déjà parce qu’aussi loin que je me souvienne, on m’a toujours demandé les miennes. Je ne suis pas typée physiquement mais mon nom de famille crie « olé España » et ça a toujours conduit à la question « tu es espagnole ? » (« non, mon père l’est et ma mère est belge ») Je ne l’ai jamais vu négativement et ça m’intéressait aussi de savoir d’où venaient les gens, leurs familles, etc. Puis, j’ai toujours répondu à ça quelque chose comme « et toi, t’as des origines étrangères ? » :p
    Ensuite, je vis à Bruxelles, une ville hyper internationale et cosmopolite où il y a tellement de nationalités et d’origines différentes qu’il est assez naturel de demander aux gens « et toi, tu viens d’où ? » Il y a deux semaines, j’étais en réunion avec ma collègue (ougandaise mais nationalisée belge) et deux clients (indiens) et on a discuté pendant un long moment de nos origines respectives, de nos langues maternelles, etc. Parce qu’ici c’est une preuve d’intérêt et de la curiosité mutuelle 😉
    La seule chose qui m’irrite un peu, c’est quand je dis que je vais en Espagne en vacances et qu’on me répond « ah, voir la famille/retourner au pays ? » Ben non, mon pays c’est la Belgique et ma famille est ici, je te parle de faire la touriste là ! Mais en même temps, les gens ne peuvent pas savoir 🙂

  • Galeopsis

    23 août 2016

    Merci beaucoup pour cet article !
    Je suis d’accord avec ce qui a été dit plus haut : il y a 2 types de questions, celle qui vient en début de conversation dont je ne vois absolument pas l’intérêt et qui appelle à répondre sur la défensive, et celle qui vient plus tard quand on se connaît mieux et qu’il n’y a clairement pas de connotation raciste.
    Et il y a surtout un problème de fréquence : moi (peau blanche), on me demande rarement mes origines, alors que mon homme (peau noire) c’est quasi-systématique, dès qu’il rencontre une nouvelle personne. C’est très fatigant de devoir tout le temps déballer sa vie privée à des gens que tu ne connais pas.
    Ma fille est métisse et j’avoue, j’ai peur de ce qu’elle devra subir en grandissant. Elle n’a pas encore 2 ans et je ne compte déjà plus le nombre de « ah elle n’a pas les cheveux crépus, c’est bien » et les « ah elle est claire de peau, c’est bien »… Bien sûr il y a aussi eu de nombreux « les enfants métis, ce sont les plus beaux ! » et « les enfants métis, ce sont les plus intelligents ! » qui se veulent gentils mais qui m’agacent un peu parce qu’encore une fois ça prouve que ces personnes s’arrêtent à la couleur de peau de ma fille en premier lieu et la cataloguent directement en tant que métisse. Enfin, je ne compte plus non plus les « et son papa, il est de quelle origine ? », qui m’énerve encore plus : le papa n’est même pas présent mais directement on me fait sentir qu’il n’est pas blanc ni français, et encore une fois ça n’a généralement rien à voir avec la conversation.

    • Cacy

      24 août 2016

      C’est marrant, j’ai longtemps voulu avoir un bébé métisse (quelque soit la deuxième origine) car je trouve en effet que ce sont les plus beaux bébés.
      Comme si la nature voulait encourager la multiculturalité.
      Bon, ca ne m’arrivera visiblement pas mais j’ai le papa idéal pour moi alors peu importe son origine, c’est ca le plus important. 🙂

      Si personnellement, je ne fais pas ce genre de remarque à quelqu’un que je ne connais pas bien, je me demande un peu le problème que ca pause de dire « les bébés métisses sont les plus beaux ».
      Quand on rencontre un bébé, on essaye souvent de faire un compliment aux parents et c’est pas facile sur un bébé qui ne sais pas faire grand chose. Le métissage est ce qui se voit en premier donc ca attire le plus de réflexions, un peu comme la couleur des cheveux, chez un bébé roux ou de grands yeux verts chez d’autres bébés.
      Je ne parle pas des commentaires sur l’absence de cheveux crépus ou le bienfait de la peau pâle qui sont stupides et prétentieux.

      Mais vu que ca peut déranger certains parents, je vais rester sur ma phrase habituelle :  » c’est le bébé le plus mignon que j’ai rencontré! ». Ca, ca doit plaire à tout le monde! 🙂

  • Aude-Marie

    25 août 2016

    Merci d’avoir abordé ce sujet ! Je ne vais faire que répéter ce qui a déjà été dit, mais il est vrai qu’il m’est déjà arrivé de poser la question et de voir la gêne de mon interlocuteur… Et de me dire mince, je suis allée trop loin… Pourtant nulle arrière pensée de ma part ! De la simple curiosité ! Et souvent l’envie de connaître/découvrir la culture d’origine de la personne en face de moi. Sur le coup, on n’a pas forcément l’impression d’être lourd ou de mettre en avant une différence, plutôt l’envie de découvrir cette différence.
    Par contre ce qui me frappe dans plusieurs témoignage, c’est ce « et avant ? », quand on est né en France, quelle que soit son origine ou sa couleur de peau, on est Français ! Après je me pose toujours cette question, est-ce une personne qui vient d’arriver en France/en Métropole, ou ce sont ses parents, ou cela fait-il plusieurs générations ? Quel est le contexte de ce départ ? A-t’il/elle encore de la famille ailleurs ? … Je crois que quand on se rend compte qu’une personne a des origines différentes des nôtres, c’est comme l’attrait de la nouveauté, on veut en savoir plus et on a tendance à oublier certaines règles de respect et de savoir vivre.
    Mais pour dire, même quand on a un physique caucasien avec la peau blanche (ce qui est mon cas), quand on « s’expatrie » même à seulement 50km (oui oui, un simple changement de département !), il suffit d’une expression ou d’un mot prononcé différemment pour qu’on te demande d’où tu viens…

  • Eugénie

    27 janvier 2018

    Ben du coup, j’apporte mon petit témoignage, dans mon cas, je suis métisse française. Je suis fière de toutes mes racines (française, bulgare et malgache). Je suis plutôt curieuse à propos des origines ou de la généalogie des autres parce que ça fait partie de leur histoire donc, je pose cette question à tout le monde, généralement en retour quand on me la pose – puisque ma couleur de peau, mes cheveux, initie ce genre de conversation. Je suis peut-être une relou universelle ^^ ; en tout cas, si l’on pose la question pour remarquer la différence en soi, comme but, ça peut être gênant, mais si l’on pose la question comme un moyen de marquer son intérêt, ça se passe très bien. Personnellement, j’ai toujours senti que les autres ne pensaient pas mal et qu’il est plus important de m’en parler maladroitement que d’en faire un tabou. Il est tellement incontestable que je sois française, que je n’hésite pas à parler du sujet des mes origines, qui comblent les interrogations. Je n’ai pas à affirmer l’évidence donc assez naturellement, les autres ont réagi comme je réagissais moi-même. Il est quand même arrivé que des personnes soient racistes à mon égard mais ça reste un minorité de personnes, que j’oublie instantanément 🙂 Je précise que par « minorité », je parle de personnes de tous les bords, c’est la double peine du métissage. Il est arrivé que beaucoup plus de personnes soient admiratives, parce qu’être métisse, c’est d’abord l’exotisme, ok, mais, apparemment, c’est aussi incarner l’espoir d’une monde sans frontières, plus tolérant et bien que cela puisse sembler exagéré, ça n’est pas tout à fait faux, quand je pense à ce à quoi mes parents ont du faire face pour être ensemble, Donc, ça ne me dérange pas tant que ça si on se focalise sur ce aspect positif des choses. J’espère qu c’était pas trop long à lire, je vois rien dans cette petite lucarne.

Your email address will not be published. Required fields are marked *

1 × 3 =