Ce petit alcoolisme ordinaire…

verre de vin alcoolisme léger

Il ouvre une bière pendant qu'il prépare le repas de midi. Il boit quelques verres de vin en mangeant, et puis un dernier après le dessert. Parfois, il prend encore une bière dans l'après-midi, pour se désaltérer après un travail harassant. Puis une autre, en préparant le repas du soir. Et il boit quelques verres de vin en mangeant, et un dernier après le dessert.

Un déjeuner sur le pouce, un jour où il vient chez nous, nous aider à faire des travaux. Nous n'avons pas de vin. La fois suivante, lorsque nous l'invitons à dîner, il apporte une bouteille. Ce n'est pas une bouteille choisie au milieu du rayon, comme on en achète pour faire un cadeau, à l'instar d'une boîte de chocolats. C'est l'une de ces bouteilles de l'étagère du bas, de vin de table pour tous les jours, l'une de celles qu'il utilise au quotidien. Pour accompagner ce repas auquel nous l'avons convié, puisque nous n'avons pas toujours de vin pour accompagner les repas.

Lors de ces repas de qui s'éternisent, il prendra quelques verres de plus, et sera sans doute un peu plus gai qu'il ne l'est habituellement grâce à son caractère jovial. Il remplit les verres, sans toujours demander à ceux qui sont assis devant s'ils en veulent encore. La bouteille est vide, tout le monde a terminé de manger. Alors, il en ouvre une nouvelle, pour un dernier verre. Quelqu'un d'autre en veut ? Non, bien sûr.

Il ne sera jamais ivre. Mais le lendemain, il recommencera. Une bière, ou peut-être un pastis. Quelques verres pendant le repas, et un dernier pour terminer. Parfois, une bière pour se désaltérer au milieu de la journée, ou peut-être un petit rhum pour se réchauffer pendant l'hiver. Un verre en attendant le dîner, et encore quelques autres en mangeant. Et puis deux dernières gorgées pour bien finir le repas.

verre de vin alcoolisme léger

Crédits photo (creative commons) : Jing

Je me suis rendu compte très récemment que mon père, de petit coup en petit coup, buvait ainsi plus que de raison.

Personne n'ose rien lui dire directement. Il n'y a que des yeux ronds, qu'il remarque parfois lorsqu'il se ressert, le repas terminé. Alors, il dit simplement : « Oh, ça va ! », prenant les choses à la rigolade, un peu vexé tout de même.

Que faire quand sa vie n'est pas en danger, qu'il n'a jamais, jamais de moment où il ira jusqu'à s'écrouler d'avoir trop bu, ni même où il deviendra simplement incohérent ? Ça n'a rien d'impressionnant, c'est même terriblement banal.

Mais oui, il est dépendant à l'alcool, malgré tout.

Et moi… Moi, je n'ai jamais aimé ça. Aucune sorte de drogue, d'ailleurs. Je dois dire que je suis très intolérante à ce sujet, ça me fait vite peur. Peut-être un peu à cause de cet exemple.

Vois-tu, je ne doute aucunement qu'un repas soit avantageusement relevé par un vin. Ni qu'il soit possible de boire un ou deux verres de vin par repas, tous les jours, sans tomber sous l'emprise de l'alcool. Mais je crois qu'il est également incroyablement facile de glisser dans l'addiction, sans même s'en rendre compte du tout.

Au début, c'est un verre pendant les repas, parce que c'est meilleur avec. Alors on en prend un, à chaque repas. Ou deux, ou trois. Et un apéro avant le dîner. C'est ainsi que du simple plaisir, sournoisement, peut s'inviter le besoin.

Un besoin qu'on ne reconnaîtra jamais comme tel. Voyons, ce n'est rien, un petit verre de vin ! Ça fait partie de la bonne gastronomie française, il n'y a aucun problème !

Alors on prend un porto pour l'apéro. Quelques verres pendant le déjeuner. Et un dernier, après le dessert. Une bière pour s'hydrater le gosier, après avoir jardiné. Un petit rosé, une heure avant le dîner. Quelques verres en mangeant le repas du soir, et un dernier, après le dessert.

Et toi ? Tu as dans ton entourage des personnes qui ont besoin de boire de l'alcool tous les jours ? Ont-ils conscience de leur dépendance ? As-tu déjà essayé de leur en parler ? Viens en discuter !

Toi aussi, tu veux témoigner ? C'est par ici !

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12 Comments

  • Fleur-Joséphine

    30 décembre 2015

    Bravo pour ce témoignage touchant et pour avoir abordé ce sujet. Effectivement la situation que tu décris ressemble beaucoup à une addiction. Je connais et ai connu des personnes qui avaient des comportements similaires et du déni. Ça rend l’entourage impuissant et inquiet.
    Je ne fume pas mais j’aime bien l’alcool, donc pour me protéger, je me tiens à une règle: je ne bois jamais toute seule. Si jamais je suis la seule à vouloir commander une boisson alcoolisée, généralement je change pour autre chose. Je sais que ça pourrait être ma faiblesse alors je me surveille bien avant que ce soit nécessaire.
    J’espère que vous arriverez à en parler ensemble et que sa santé n’en souffrira pas.

  • Virginie

    30 décembre 2015

    C’est tout à fait ça, tu as mis les mots. On dit que quelqu’un est alcoolique à partir du moment où il boit chaque jour, cela s’appelle l’alcoolisme modéré… ce qui reste une forme d’alcoolisme. Le souci est de le faire reconnaître. Mon père est dans la même situation mais le reconnaît en partie. Bémol, cet alcoolisme modéré ne semblant pas porter atteinte à sa capacité d’action et de réfléchir, ba c’est pas grave, c’est admis.
    Je pense que beaucoup beaucoup beaucoup de Français sont dans ce cas. J’avoue que je ne sais que faire. En revanche, mon père a eu quelques soucis de santé, ça la fait ralentir. Toujours ça de pris.

    Après, lui faire reconnaître… ouch ! le souci des addictifs, je suis fumeuse et peux donc en parler tranquillement, est d’avoir l’honnêteté de dire « oui, j’ai un problème. Ce n’est pas parce que je suis fort que je ne suis pas dépendant ».
    Lorsque l’on me parle d’addiction, je réponds franchement que je suis une toxico. Que ce soit modéré ou grave, pour moi, on est tous des toxicos. En revanche, la cigarette et l’alcoolisme modéré me semblent plus facile à gérer par la personne concernée car on reste parfaitement conscient de ce que l’on fait.

    Le tout est qu’il le reconnaisse lui-même, le braquer ne sert strictement à rien. Bonne chance.

  • Madame Zou

    30 décembre 2015

    Merci pour cet article ! En effet, je pense que cela touche beaucoup de personnes. A Paris, c’est admis de se mettre en terrasse ou dans un café tous les soirs après le travail. J’ai vite mis les points sur les « i » avec mon conjoint au début de notre relation, car cela m’énervait vraiment. Pour moi, l’alcool, ça a toujours été au restaurant ou lors d’un bon repas de famille, et donc très rarement en semaine. Par contre, je connais plusieurs amis dans ce cas : tous les soirs, ils ont besoin d’ouvrir une bouteille au repas ou de prendre l’apéro. Dommage que cela devienne un besoin. Pour moi, c’est là que ça devient de la dépendance : quand le plaisir est remplacé par un besoin !!!

  • Madame Fleur

    30 décembre 2015

    Tout comme toi, ce sont des choses qui me font un peu peur.
    Dans ma famille c’est vrai que ça arrive de boire du vin lors des repas de la semaine et pas seulement pour des grandes occasions mais s’il n’y en a pas personne ne réclame. Perso, je me sens un peu à l’abris de ça, sachant que je n’aime que très peu d’alcool et qu’avec mon mari, c’est très rare que nous buvions juste tous les deux.
    Mais je comprends ton inquiétude vis à vis de ton père, j’avais la même pour un ami très proche.

  • Audrey

    30 décembre 2015

    Mes beaux-parents sont exactement dans ce cas de figure. C’est bien simple, je ne les ai jamais vus boire de l’eau. Quand nous sommes réunis pour un repas de fête, ils enchaînent plusieurs verres à l’apéro, une bouteille de rouge pendant le repas, voire un petit digestif. Pour les repas normaux, la bouteille de rosé y passe. À tous les repas. Ils ne roulent jamais sous la table, mais parfois, les esprits s’échauffent à la fin de la soirée.
    Venant d’une famille ultra-rigoriste sur l’alcool, où nous ne buvons jamais même pendant les fêtes, j’ai toujours considéré ce comportement comme révélateur d’une dépendance, chose qui n’était pas montée au cerveau de mon mari, habitué qu’il est à voir les bouteilles défiler. Mais si les choses ne partent pas en vrille, je ne les confronterai jamais sur ce terrain, car j’estime que ce n’est pas à moi de le faire.
    Peut-être qu’un face-à-face serait une bonne idée ? En lui disant que tu t’inquiètes pour sa santé, que le risque de cirrhose ou de cancer du foie sont bien réels ?

    • Virginie

      31 décembre 2015

      je trouve ton approche plutôt saine, j’irais aussi dans ce sens-là.

  • Miss Freesia

    30 décembre 2015

    Hum,ça me fait également penser à ma mère… Sauf que dans son cas, l’alcool la déprime et elle peut devenir incontrôlable si elle n’est pas bien dans la journée… :/
    J’ai déjà essayé d’en parler avec elle mais elle pense ne pas avoir de souci avec ça, que je la juge parce que je ne bois ni ne fume, que c’est juste pour s’amuser le soir. Hum…

    • Virginie

      31 décembre 2015

      est-ce qu’elle boit toujours la même chose ? Certains alcools ont un effet particulier. Par exemple, mon père devient méchant avec le whisky. Depuis que j’ai fait le rapprochement, il n’en a plus jamais bu chez moi.

  • Béré

    30 décembre 2015

    Quelle thématique ! Quel article !
    Mon bp est un peu comme ton père. Hospitalisé pour sa prothèse du genou il a fait une crise de deliurium tremens. Il a passé presque une journée avec les sangles tellement il partait en vrille. Bon bah maintenant c’est officiel, il souffre d’alcoolisme, son corps ne supporte pas d’être sevré.

    Un critère pour se prouver que l’on n’est pas alcoolique. Faire une période d’abstinence. J’ai un collègue qui consomme assez régulièrement et tout. Et tous les mois d’octobre, il tourne à l’eau.
    S’il a du mal à appréhender cette période ou s’il a envie de repousser c’est que ça devient une adduction.
    Mais pour mon collègue ça fonctionne très bien

  • Miss Chat

    1 janvier 2016

    Ta description me fait peur parce qu’elle a l’air si innocente, si normale, si … quotidienne. Tout le danger de l’alcool, je crois.
    Mon mari et moi aimons boire de l’alcool : on aime bien prendre une bière en apéro ou bien un verre de vin pour accompagner un repas chaud, généralement le week-end. Ce n’est donc jamais beaucoup, ce n’est pas automatique et quand on n’en boit pas, on n’en ressent pas le besoin non plus. Mais parfois, ça m’inquiète… Le pas est si vite franchi entre « petit plaisir occasionnel » et « assuétude ».

  • Béatrice C/D

    4 janvier 2016

    Je voudrais juste dire à toutes les personnes qui sont dans ton cas qu’il faut absolument en parler à la personne concernée avant que cela ne dégénère… Mon père est un alcoolique, mais pas modéré du tout: il planquait ses bouteilles de whisky dans le jardin, puisqu’il est trop facile de tomber dessus dans la maison. Il était ivre mort à partir de 10h du matin, et s’entretenait jusqu’au couché! Il mettait la vie de tellement de gens en danger lorsqu’il conduisait, bien qu’il n’ai plus le permis! Jamais il n’a reconnu être alcoolique. Mais depuis quelques temps/années, il ne boit plus (ou quelques verres à table) puisque cet alcoolisme a déclenché chez lui des crises d’épilepsie, qui le prennent à tout moment, alors même qu’il ne boit plus! Il n’arrive quasiment plus à marcher, est très diminué mentalement, à 60 ans à peine… Certes il ne boit plus, mais le voir dans cet état, c’est tellement triste. Tout son entourage en a souffert, et en souffre encore de le voir comme ça.
    Alors par pitié, parlez-leur, parce qu’après, c’est une véritable descente aux enfers pour lui, et pour toute sa famille!! Et c’est vraiment très difficile de s’en sortir! Je ne dis pas que ça réglera tout, mais si plusieurs personnes viennent le voir et le lui font remarquer, peut-être qu’il se posera les bonnes questions!!

    • Madame Béret

      5 janvier 2016

      Mon père est alcoolique. Quand il boit, il n’est pas violent, il ne roule pas par terre. Il est rien, absent, l’ombre de lui même.
      Sa famille avait l’alcool facile. Apéro, double apéro, triple apéro, vin, digestif… C’était festif !
      Je pense que quelqu’un qui boit trop facilement cache un mal être. Il faut une prise en charge rapide (ce qui sera difficile, je vous l’accorde) parce que, comme Béatrice C/D l’a justement indiqué, les ravages sont insidieux et bien présents.
      Après deux hospitalisations, des périodes de rechutes à gogo (ou, plutôt, des petites périodes de sevrage), mon père est diminué, irréversiblement. Les liens familiaux sont endommagés à jamais. Quant à moi, je bois, très rarement et peu.
      L’alcool apporte beaucoup de souffrance, au malade et à ceux qui l’entourent. Ça reste une maladie honteuse, que le malade ou l’entourage cache. La prise de conscience doit être générale dans l’entourage afin de l’entourer au mieux.
      Il existe de très nombreuses structures et centres d’appels qui pourront vous aider à aborder ce problème avec lui. Je vous souhaite énormément de courage, d’amour et de patience.

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