Les juges se mêlent-ils de politique ?

Pour mon premier article sur ce blog, je t’avais expliqué dans les grandes lignes en quoi consistait mon travail de juge. De magistrat, plus exactement, et je te renvoie à mon article pour les précisions terminologiques.

Cette fois-ci, je vais coller à l’actualité pour te parler sans langue de bois d’un sujet qui revient régulièrement dans la bouche des hommes politiques, des journalistes et plus largement, des citoyens : les juges et la politique !

Alors, tous rouges et déterminer à en découdre avec nos hommes politiques de droite ?

Je vais commencer par une évidence qu’il est toujours bon de rappeler : un magistrat est un citoyen. Et comme tout citoyen, ses idées personnelles peuvent le placer d’un bord à l’autre de l’échiquier politique. Ou pas. Comme tout citoyen, un magistrat peut se désintéresser totalement de la chose publique, ou avoir une sensibilité particulière pour un camp, ou prendre sa carte d’un parti.

L’une de nos obligations déontologiques essentielles, qui fonde notre légitimité, à défaut d’élection au suffrage universel, c’est l’impartialité (et c’est un droit constitutionnel pour les justiciables, protégé également par la Convention européenne des droits de l’homme) : le juge, quelque soit ses idées politiques, sa conception de la vie sociale, familiale, doit juger sans s’obliger de prendre ni s’interdire une décision au motif de ses convictions personnelles l’en empêchent : par exemple, un juge opposé au mariage pour tous ne peut refuser de prononcer une adoption plénière d’un enfant par l’épouse de sa mère biologique, si par ailleurs les conditions légales de l’adoption sont remplies. Un juge d’instruction dont les convictions pencheraient très nettement à gauche ne peut s’interdire des investigations dans un dossier qui mettrait en cause un élu du même bord. Si çà doit lui poser une difficulté, il a le devoir de s’interdire de demander des postes susceptibles de créer cette difficulté (puisque notre statut fait que pour garantir notre indépendance, nous ne pouvons pas être affectés dans un poste que nous n’avons pas demandé).

 

Crédits photo : photo personnelle

L’idée qui revient très souvent dans la bouche de ceux qui aimeraient bien détourner l’attention des casseroles qui leur traînent aux pieds, c’est que les juges sont tous de gauche, la preuve, ils sont syndiqués et épinglent sur un « Mur des Cons » les figures politiques de la droite.

Alors, parlons-en de ces syndicats. Il y en a deux : le Syndicat de la Magistrature (SM), effectivement classé à gauche, ce qu’il assume sans difficulté. Il recueille environ 20 % des suffrages dans la magistrature. Le « Mur des Cons », c’est son œuvre. Le second syndicat c’est l’Union Syndicale de la Magistrature (USM), qui réunit plus de 70 % des magistrats : classé par les journalistes « plutôt à droite », ce qui est complètement faux : l’un des fondamentaux de ce syndicat est d’être apolitique et de s’interdire toute prise de position partisane. Je le sais, j’en suis adhérente. On y trouve de toutes les couleurs politiques, d’un bord à l’autre de l’échiquier, mais les idées politiques des uns et des autres n’ont aucune importance. On les devine pour certains, d’autres ne les cachent pas, pour d’autres encore je serais bien en peine de les classer quelque part… mais ce n’est pas le sujet. Le SM avait appelé à voter F.Hollande en 2012 : personnellement çà me choque profondément.

Les personnalités politiques qui voudraient interdire le syndicalisme dans la magistrature sont profondément malhonnêtes ou au mieux, totalement ignorants de ce dont ils parlent : l’USM (et le SM quand il ne déborde pas de son rôle !) prennent des positions pour défendre l’indépendance de la justice, et assurer qu’elle s’exerce dans des conditions sereines et dans l’intérêt des justiciables. Le syndicalisme n’est certainement pas une marque d’une politisation des juges. Le SM a largement tendu le bâton pour se faire battre, avec ce lamentable « Mur des Cons » et ses prises de position publique sur des sujets comme l’accueil des réfugiés ou les poursuites contre des militants de gauche… mais il est largement minoritaire chez nous.

Mais quoiqu’il en soit, et même si le SM assume son orientation politique, comme je te le disais l’un des devoirs premiers du magistrat est l’impartialité, et ce n’est pas parce qu’un juge d’instruction serait par exemple adhérent du Syndicat de la Magistrature qu’il orienterait toujours ses investigations dans le sens défavorable à la droite ! (étant observé que les hommes politiques sont rarement concernés par les dossiers d’instruction, sauf dans les pôles financiers, mais dans ce cas j’imagine que par prudence les magistrats n’affichent pas leurs opinions syndicales…)

Crédits photo : photo personnelle

A l’heure où j’écris cette article, le candidat LR à l’élection présidentielle vient d’être mis en examen. Pour faire court, cela signifie que les juges d’instruction ont estimé qu’il y avait dans le dossier, selon les termes du code de procédure pénale, suffisamment « d’indices grave ou concordants rendant vraisemblable qu’il ait pu participer à la commission » des infractions de détournement de fonds publics, complicité et recel d’abus de biens sociaux.

La rapidité des investigations du Parquet National Financier et de la convocation de F.Fillon devant les juges seraient le signe que les magistrats, dans leur ensemble, seraient à la solde du pouvoir politique en place, dans l’objectif de ruiner les chances de la droite de revenir aux manettes.

C’est oublier un peu vite qu’en cours de mandat présidentiel socialiste, un ministre socialiste en exercice (celui qui jurait les yeux dans les yeux aux parlementaires qu’il était innocent…) a été mis en examen quatre mois après le début de l’enquête le concernant, puis avant l’expiration de ce mandat, jugé et condamné à de la prison ferme. Comme quoi, la célérité des juges d’instruction du pôle financier, ce n’est pas que pour les membres de l’opposition.

C’est oublier aussi que les parlementaires viennent d’adopter discrètement une réforme de la prescription ayant pour effet, s’agissant des délits financiers, de réduire considérablement le délais pendant lequel ils peuvent être poursuivis. L’enquête en cours devait être lancée rapidement pour pouvoir échapper à l’entrée en vigueur de cette réforme.

Une fois que l’information judiciaire était ouverte devant les juges d’instruction du pôle financier, ceux-ci pouvaient effectivement ne pas se presser pour convoquer l’intéressé, les investigations pouvaient se poursuivre sans qu’il n’ait encore été entendu par les juges. Fallait-il respecter une « trêve électorale » ? Je ne sais pas. J’imagine que la décision a été extrêmement difficile à prendre. De toute façon, dans un cas comme dans l’autre, leur choix devait fatalement leur être reproché : soit convoquer rapidement un candidat qui avait annoncé qu’en cas de mise en examen il renoncerait à se présenter, et être ainsi accusés d’éliminer sciemment un candidat qui avait des chances de l’emporter ; soit ne pas agir, et être accusés de se laisser influencer par un calendrier politique et de prendre le risque de confier le pays à une personne qui peut-être, s’est rendu auteur de graves infractions.

En tout cas pour avoir été juge d’instruction moi-même, je sais une chose : les juges d’instruction n’auraient jamais pris cette décision s’ils n’avaient pas des éléments solides dans leur dossier, tant les conséquences de cette affaire peuvent être lourdes sur l »avenir politique du pays. Cela ne signifie pas qu’il y aura une condamnation un jour, et ce n’est pas au juges d’instruction de le décider ; cela ne signifie pas que F.Fillon est coupable, mais qu’il y a des faits extrêmement troublants qui jettent une vraie suspicion sur le candidat, et que des investigations complètes sont nécessaires pour vérifier s’il y a eu infraction aux lois pénales.

Je ne sais pas comment cette affaire va tourner. Mais je crois qu’il ne faut pas oublier que le candidat lui-même avait réclamé que des investigations soient rapidement faites pour révéler son innocence. Puis, une fois l’enquête lancée, a contesté la procédure. Puis, une fois l’information judiciaire ouverte, s’est félicité qu’enfin, des juges indépendants se voient confier les investigations, le PNF étant à la solde du pouvoir selon lui. Tout çà pour finalement crier à l’assassinat politique après que les juges d’instruction l’aient convoqués. Cette convocation étant par ailleurs le seul moyen pour que ses avocats aient accès au dossier et puissent assurer la défense de leur client, le droit à la défense et à l’équité du procès étant tout aussi fondamental que le droit à l’impartialité du juge. Les investigations devaient rapidement se poursuivre pour éviter la disparition des éléments de preuve, et les avocats eux-mêmes n’auraient pas manqué de reprocher aux juges d’instruction de continuer leur enquête en les laissant dans l’ignorance du contenu des éléments à charge.

Chaque fois qu’un politique de premier plan dans l’opposition (de gauche ou de droite) est inquiété sur le plan judiciaire, il ne manque pas de reprocher à la justice d’être inféodée au pouvoir. Et la seule réforme qui supprimerait tout risque d’ingérence, la rupture entre le Garde des Sceaux, organe du pouvoir exécutif, et les magistrats du parquet, et l’alignement des conditions de nomination et de discipline de ceux-ci sur les juges, est sans cesse repoussée depuis plus de vingt ans. Peut-être que personne, dans le camp politique, n’y voit un intérêt…

Et toi qu’est-ce que tu penses de cette affaire ? Est-ce que cette convocation est la marque de la séparation des pouvoirs ou le signe que les juges ont pris pied dans la sphère politique ? Est-ce que tu as des interrogations auxquelles je peux répondre ?

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19 Comments

  • Je Ne Suis Pas Une Poule

    5 avril 2017

    Merci et bravo pour ce bel article, clair et concis!

  • Madame Givrée

    5 avril 2017

    Merci pour cet article qui tombe à point nommé et permet de mettre beaucoup de choses au clair ! Je le trouve très utile :).

    • Miss Themis

      5 avril 2017

      Merci 🙂

  • Lana

    5 avril 2017

    Bonjour,

    Pardonne moi mais je trouve cet article très faux, connaissant aussi bien le côté juridique/magistrature, que celui politique (étant dans les deux).

    L’indépendance de la magistrature existe … sur le papier. En réalité, elle est assez dévolue à la politique. Le nombre de décision qui concerne la politique de près ou de loin (même une agression dans le milieu politique, ce qui est du pénal) que j’ai vu être prise qui fait suite « au contact d’un politique avec un Proc ou un juge », est assez impressionnant !
    Et en toute honnêteté, quel juge n’a jamais parlé au greffe après une audience en donnant un avis personnel et que cet avis se retrouve dans la décision ensuite ?
    Autant, je crois grandement en la bonne foi des juges (pas des procs) de premières instances (dans la majorité des cas), autant au-dessus …. et surtout les cours suprêmes …
    Alors quand j’entends qu’on veut sortir de la CEDH (ce qui ne sera pas vraiment possible vu que l’UE a adhéré aux principes), ça me fait doucement rigoler … On peut critiquer certaines décisions qui font « ingérence » mais on ne peut pas enlever que la CEDH nous protège quand même beaucoup et que même si c’est long (très long …) pour voir son affaire y arriver (si elle y arrive), on peut être content de l’avoir.

    Concernant le candidat de la droite actuellement mis en examen et la rapidité de l’affaire … Les arguments invoqués dans cet article se tiennent. Il n’empêche que la justice a été particulièrement très rapide (étonnant ..), ce qui, au passage, n’aide pas les avocats dont les clients se demandent pourquoi leur cas propre n’est pas aussi rapide. Mais on avait eu sensiblement le même problème avec l’affaire Dieudonné … et … oh coucou le pouvoir politique qui a vachement fait accélérer les choses … La procédure était une procédure d’urgence mais le tout s’embrayant aussi facilement et le CE sortir sa décision en 3h, c’est du jamais vu.

    Enfin, si j’étais mauvaise langue, je dirais que cet article n’est qu’un reflet de plus de la magistrature et de son impartialité … Parler du ministre (4 mois quand même … le candidat de droite, ça a été beaucoup plus rapide) pour contrebalancer avec le candidat de la droite sachant que tout le monde dans le milieu juridique sait que la procédure a été particulièrement rapide et efficace (cc : l’article des juristes/professeurs d’université en droit à ce propos qui dénonce cette étonnante rapidité – cet argument est à contrebalancer parce que certains des signataires sont ouvertement de droite), ce n’est pas très partial. D’ailleurs, si cet article avait été vraiment partial, il aurait parlé de la mise en examen de Marine Le Pen qui s’est étonnamment accélérée à l’approche de l’élection ou encore de celle de Hamon (mais les médias en ont moins parlé).

    Bref, désolé pour ce pavé mais je trouve dommage ce genre d’article de propagande déguisée alors que SNT, DMT, etc, sont des blogs grand public où même si la parole est libre, elle est toujours juste et modérée.

    • MmeExpat

      5 avril 2017

      Lana, je crois que tu confonds « partial » et « impartial », ce qui rend la lecture de ton avant-dernier paragraphe bien compliquée.

      Ce que tu reproches à l’article, c’est son manque d’impartialité et justement le fait qu’à tes yeux il est partial. L’inverse serait complètement absurde.

    • Miss Themis

      5 avril 2017

      Il me semble que des sujets de société même sensibles ont leur place sur DMT, du moment, comme tu dis, qu’ils sont « justes et modérés », et qu’ils laissent la place à la contradiction. De quelle « propagande déguisée » tu parles ? Tu crois que je roule pour un parti politique, pour un candidat ? Détrompe toi, j’ai un intérêt plus que limité pour la question, et j’avoue même (et je n’en suis pas fière) ne pas m’intéresser à la campagne. Mais par contre j’en ai plus qu’assez d’entendre des hommes politiques (de tous bord) répandre des idées totalement fausses sur le monde judiciaire quand çà peut servir leurs intérêts. Et comme je l’avais expliqué dans mon premier article, j’ai le souci de mieux faire connaître mon métier, et les conditions dans lesquelles il s’exerce.
      Ce n’est pas parce que je suis magistrat, que j’émets une opinion personnelle et que ce n’est pas la tienne que tu peux en déduire que « cet article est un reflet de plus de la magistrature et de son impartialité ». Je ne représente pas les 8000 magistrats de France.
      Quelle est ta connaissance du monde judiciaire pour dire que « la magistrature est assez dévolue à la politique » ? Tu es magistrat, greffier, auxiliaire de justice ? Bien sûr que les liens entre politique et judiciaire sont parfois ténus, mais ce n’est pas faute pour les magistrats de réclamer depuis des années la réforme du statut du parquet qui permettrait justement de renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire et de le mettre plus à l’abri des pressions politiques.
      Je ne suis pas dupe, je sais bien qu’il y a aussi chez nous des moutons noirs affidés à un parti ou à des réseaux, mais j’en ai assez qu’on présente çà comme une généralité.
      Je n’ai pas bien compris cette phrase : « Et en toute honnêteté, quel juge n’a jamais parlé au greffe après une audience en donnant un avis personnel et que cet avis se retrouve dans la décision ensuite » ? quel est le rapport avec la politique et en quoi çà illustre une partialité du juge et une soumission au pouvoir politique ?
      Je comprends aussi tes arguments, mais franchement je ne peux pas entendre que c’est un article de propagande… de défense du monde judiciaire, çà je l’assume pour les raisons que j’ai indiquées, mais certainement pas de propagande !

      • Urbanie

        5 avril 2017

        En fait, à vous lire il me semble que vous avez deux visions différentes du même sujet. ce qui n’est absolument pas incompatible avec le fait de dire, l’une et l’autre, la vérité. 🙂

        C’est une question d’opinion, plus que de faits (la fonction de magistrat prévue par les textes et vue par l’une d’entre eux vs l’opinion d’une personne qui les côtoient et/ou a travaillé avec eux).

        • Urbanie

          5 avril 2017

          Et en effet, le terme de propagande est sans doute un peu fort. :/

  • MlleMora

    5 avril 2017

    J’ai beaucoup aimé ton article, qui pose un autre regard sur le lien entre la justice et la politique en France. Et c’est très intéressant de connaitre un peu plus les « coulisses » de la magistrature.
    Ça ne m’a pas choquée que l’enquête soit ouverte aussi vite, pour moi quand il s’agit de personnalités importantes (politique ou pas d’ailleurs) et bien, je trouve que la justice doit être « exemplaire », il faut pouvoir dire que même les hautes personnalités sont mises en examen, qu’ils ne peuvent pas tricher en toute impunité. Si l’enquête révèle que la personnalité n’a rien fait de répréhensible, et bien tant mieux, cela rassurera l’opinion publique. Surtout qu’en France, on ne jette pas en prison quelqu’un qui est soupçonné de quelque chose avant de l’avoir jugé…
    Ce serait bien que ça aille aussi vite pour tous les cas, mais bon, les délais dans l’administration sont si longs ! Quand je vois le temps que ça prend pour faire signer une pauvre décision… j’imagine même pas pour l’ouverture d’une enquête etc.

    • Miss Themis

      5 avril 2017

      « Surtout qu’en France, on ne jette pas en prison quelqu’un qui est soupçonné de quelque chose avant de l’avoir jugé »…
      Si si… c’est la détention provisoire ! dont on abuse très largement d’ailleurs dans des affaires de moeurs, de stups ou de délinquance (beaucoup moins dans la délinquance financière…). J’ai été juge des libertés (celui qui décide du placement en détention provisoire pendant une information judiciaire), et je n’ai jamais autant mal dormi qu’après avoir refusé une détention provisoire et remis en liberté un homme soupçonné de violences graves, parce que j’estimais que les indices étaient trop faibles pour jeter quelqu’un en prison. Le système est à ce point pervers qu’on se sent coupable de refuser au procureur une détention provisoire alors que nous sommes garants des libertés et qu’on devrait plutôt avoir des scrupules à incarcérer…

      • MlleMora

        5 avril 2017

        Ah oui, je me doutais que pour les affaires de moeurs c’était différent, ça doit être d’ailleurs comme tu le soulignes, très délicat et culpabilisant quand on a un doute mais pas assez de preuves…

  • Urbanie

    5 avril 2017

    Merci pour ton article je l’ai vraiment trouvé très intéressant! Ca fait du bien d’entendre aussi votre point de vue (plutôt que celui des mis en examen qui, forcément, vont rarement vous jeter des fleurs 😀 )

    • Miss Themis

      5 avril 2017

      Merci, çà n’avait pas d’autre but (et je peux aussi entendre un autre son de cloche, je suis consciente que tout n’est pas irréprochable dans la justice, mais ce n’est pas une généralité…)

  • Claire

    5 avril 2017

    Je n’ai absolument pas suivi l’affaire. Mais je suis ravie de lire ton article car la justice est quelque chose d’assez complexe au niveau du fonctionnement. Merci.

    • Miss Themis

      5 avril 2017

      Merci du merci 🙂

  • Juliette

    7 avril 2017

    Bonjour Miss Temis, merci pour cet article instructif. Je suis soulagée de savoir que le syndicat de la magistrature n’est pas le seul syndicat, et que la majorité des juges n’y adhère pas, contrairement à ce que nous présente les médias.
    J’ai cependant une interrogation concernant l’affaire de Marine Le Pen. Son argument principal pour ne pas se présenter aux convocations est: « l’affaire date d’il y a plus d’un an, j’avais alors indiqué à la justice que j’étais toute disposée à répondre à leurs questions à ce moment là, mais que je ne le serai plus lorsque je serai en campagne présidentielle ». Or, il y a un an, on l’a laissé tranquille. Finalement, l’affaire est ressortie pile au moment de la campagne présidentielle, justement quand tous les instituts de sondage la place au second tour. Cet opportunisme semble curieux. Pourquoi, en effet, ne pas l’avoir convoquée plus tôt?
    Par ailleurs, il me semble que les enfants de Mr Fabius et Mme Taubira se sont rendu coupable de délit, mais qu’ils n’ont pas été condamné grâce à l’intervention de leurs parents. Qu’en est-il réellement? Est-ce moi qui suis mal informée?
    Merci d’avance pour votre éclairage,
    Bonne journée

    • Miss Themis

      7 avril 2017

      Oh, bonnes questions 😉 alors n’ayant aucune connaissance du contenu exact des dossiers et seulement, comme tout le monde, de ce qu’en dit la presse, je peux avancer une hypothèse pour Marine le Pen : le parquet enquêterait sur cette affaire depuis mars 2015 à la suite d’un signalement effectué par le Parlement Européen. L’information judiciaire n’a été ouverte qu’en janvier 2017 devant les juges d’instruction du pôle financier. A ma connaissance elle n’avait pas été convoquée pendant la phase d’enquête préliminaire (càd mars 2015 à janvier 2017, enquête dirigée par le parquet). Ce qui n’a rien d’étonnant, parce qu’il y avait de très nombreuses vérifications à faire, il y avait juste des soupçons mais pas d’indices aussi gros que dans les affaires Cahuzac et Fillon, et elle ne pouvait pas être convoquée avant qu’il y a des éléments sérieux pour l’interroger. Le délai de presque deux ans d’enquête préliminaire pour une affaire politico-financière ne me paraît pas excessif. L’ouverture d’information a eu lieu en janvier 2017, à partir de là les juges d’instruction prennent la main sur le dossier. A ce stade là, l’évolution naturelle c’est la convocation aux fins d’éventuelle mise en examen, puisque ce statut ouvre droit à l’accès au dossier pour les avocats. Et on retombe sur les questions que je posais dans l’article… fallait-il attendre le mois de mai pour la convoquer ? ou marquer une stricte séparation des mondes politique et judiciaire et ne pas se soucier du calendrier électoral ?
      Après on peut toujours se dire qu’avoir ouvert une info judiciaire à 4 mois des élections ce n’était pas innocent. Oui et non, en fait… S’il fallait vraiment « l’assassiner politiquement » comme elle le dit, çà pouvait aller beaucoup plus vite, une ouverture d’info dès 2016, une demande de levée de l’immunité et une mise en examen avant les élections…
      On peut tout imaginer, calendrier judiciaire opportunément fixé pour bousculer les élections… ou fixé seulement en tenant compte de la durée des investigations nécessaires et des règles procédurales applicables. Le problème, c’est qu’il n’y a que sa voix à elle qui s’exprime dans les medias, et que pour diverses raisons, il n’y a pas de communication du monde judiciaire pour justifier le calendrier des opérations. Ou en tout cas elle est inaudible.

    • Miss Themis

      7 avril 2017

      Pour ce qui est de Thomas Fabius, d’après ce que je trouve sur Google, il a déjà été condamné en 2011 en correctionnelle pour abus de confiance, et il est actuellement mis en examen pour faux et usage de faux dans une autre affaire, depuis janvier 2016, c’est toujours en cours (et dans une affaire comme celle-ci le fait que le dossier soit toujours en cours un an après mise en examen n’a vraiment rien d’inhabituel, même pour les anonymes).
      Et quand tu dis que les fils Taubira et Fabius « se sont rendus coupables de délits mais n’ont pas été condamnés », ben non, c’est seulement quand ils sont condamnés qu’on peut dire qu’ils sont coupables ».
      D’ailleurs l’histoire du fils de Taubira c’est un hoax
      http://leplus.nouvelobs.com/contribution/928681-christiane-taubira-et-son-fils-en-prison-decryptage-de-cette-fausse-rumeur.html
      Après, je le redis, je ne sais de ces affaires que ce que les medias en disent… J’essaie juste de décrypter ce que je lis à la lumière de ce que je sais du fonctionnement d’une enquête pénale…

  • Juliette

    7 avril 2017

    Ah ok, merci beaucoup! J’ai souvent du mal à distinguer le vrai du faux dans ce que disent les médias, je suis souvent sceptique, mais il m’est difficile de me faire une opinion fiable car je manque d »info. Merci pour ton éclairage en tout cas 🙂

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