Mon burnout : quand travailler plus, c’est trop !

Origines burnout

Rien à voir avec le retour de Nicolas Sarkozy et de son fameux couplet : « travailler plus pour gagner plus » dans cet article ! Mais j'ai personnellement testé pour toi : « travailler plus pour gagner pareil » (avec un surmenage cadeau à la fin quand même) et je viens te faire mon retour d'expérience !

Comme tu l'as peut-être remarqué, mon dernier article sur ce blog date de plusieurs looongs mois et je dois bien t'avouer que même en tant que lectrice, pourtant passionnée, voire addict aux blogs, ma présence s'est beaucoup estompée.

Rentrons dans le vif du sujet : ces derniers mois, mon équilibre vie professionnelle/vie privée a été bouleversé. On peut même dire que ma vie professionnelle a totalement pris l'ascendant sur le reste.

Comme je te l'ai déjà raconté, je travaille pour une association. Je suis une militante, passionnée par mon et les causes que nous défendons (solidarité internationale, modèles de développement alternatif, agriculture alternative, finance solidaire, etc. Si ça t'intéresse, n'hésite pas à me le faire savoir dans les commentaires, ce serait un plaisir de venir t'en parler !). J'ai aussi la particularité de travailler en grande majorité avec des équipes de bénévoles sur l'ensemble de ma région, ce qui signifie beaucoup de temps de travail les soirs et les weekends, et beaucoup de déplacements.

Je ne vais pas te détailler mon emploi du temps de ces derniers mois, mais compte tenu des projets portés par l'association et dont j'avais la lourde responsabilité, j'ai effectué plus de 25.000km en huit mois (avec ma voiture personnelle, sinon c'est pas drôle), travaillé environ trois soirs par semaine, en plus de mes sept heures par jour traditionnelles, et travaillé environ deux weekends par mois sans avoir le temps de poser de jours de récupération. Comme mes journées de travail étaient extrêmement chargées, je finissais régulièrement mes envois d'emails et mes comptes-rendus le soir pendant que mon cher mari préparait le dîner, parfois jusqu'à plus de 22h.

Sur le moment, avec la tête dans le guidon, ça me semblait normal. Oui, oui, naïve que j'étais, ça me semblait totalement logique, normal, « le minimum que je puisse faire », de me dédier corps et âme à mon travail, à mes projets, à mes équipes et à « ma cause ». Militante jusqu'au bout des ongles, à en oublier de manger et de dormir…

Origines burnout

Crédits photo (creative commons) : Dennis Skley

Les projets professionnels ont connu des hauts et des bas. Certains moments ont été difficiles et je n'ai pas reçu le soutien et l'investissement de mes collègues et de ma hiérarchie. J'étais impliquée à 200%, sous la pression de mes responsables et ma propre pression de « bien faire », mais mes collègues, eux, étaient complètement détachés puisqu'ils ne portaient pas la responsabilité desdits projets. Ce n'est pas parce qu'on travaille dans une association de solidarité qu'on est obligés d'être solidaires entre nous.

Du coup, rien ne les empêchait de finir tranquillement leurs journées à 18h et de rentrer chez eux. Vive les tensions au sein de l'équipe quand tu te retrouves à faire la part de travail des autres (je pense ne pas être la seule dans ce cas-là !). À leur décharge, il faut bien reconnaître que notre hiérarchie commune avait un peu « oublié » en début d'année de compter leur participation pour les aspects transversaux de ces projets et que je me suis donc retrouvée entièrement seule à tout faire de A à Z, même des tâches qui leur seraient normalement revenues.

Je dois bien avouer que même si ça me faisait râler et que je les trouvais un peu vaches de me laisser tomber, je me sentais aussi très valorisée d'être en responsabilité totale, d'avoir carte blanche, de gérer mes équipes comme je voulais.

J'ai beaucoup appris, j'ai dû prendre des décisions dans l'urgence, trancher lors de choix importants. J'ai organisé le travail en équipe à ma façon. Les projets ont abouti avec succès, et je crois qu'aujourd'hui, je peux être fière de moi ! Les bénévoles étaient contents d'eux et motivés pour la suite. Tout allait pour le mieux !

Sauf qu'en fait, moi, je n'allais pas si bien que ça…

Ma hiérarchie bipolaire m'a encouragée à aller au bout des projets et à impulser le plus de choses possible jusqu'à la fin de mon CDD, sans m'accorder le temps normalement prévu pour préparer la fin de mon contrat. Je n'ai reçu aucun remerciement, aucune félicitation suite aux succès de mes projets.

Ce n'est pas grand-chose, et je n'ai fait « que mon travail », vas-tu me dire, mais quand on se donne à fond, en travaillant trente-cinq ou soixante heures par semaine, et qu'on atteint ses objectifs, c'est toujours sympa d'avoir un petit mot de son chef reconnaissant le travail accompli…

Parallèlement, ma hiérarchie bipolaire avait un œil sur le code du travail et me rappelait régulièrement à l'ordre pour que je respecte mes jours de repos, la fameuse pause de onze heures entre la fin d'une journée et le début de la suivante (tu sais, cette pause qui va disparaître avec la loi travail ?!)… et ce sans me donner les moyens de l'appliquer.

Bref, dans le même temps, mon CDD touchait à sa fin et ma direction lunatique m'a baladée dans tous les sens : fin de contrat, prolongation, passage en CDI, puis re-prolongation mais avec une pause, puis re-plus rien, puis re-CDI… Je ne savais plus sur quel pied danser.

Finalement, quelques semaines avant la fin de mon contrat, un poste en CDI s'est ouvert. Mais comme tout le monde, j'ai dû candidater en externe. J'ai envoyé CV et lettre de motivation pour mon propre poste, donc, passé trois entretiens, et une semaine avant la fin de mon CDD, on m'a enfin officiellement annoncé que je pourrais continuer en CDI ! Ouf ! Une bonne chose de faite ! Le voilà finalement, mon remerciement !

Comme tu t'en doutes, ça a été une période moralement difficile pour moi, mais aussi pour mon entourage, et en premier lieu, pour mon cher et tendre époux.

En effet, n'étant jamais disponible, toujours prise par mon travail et complètement sur les rotules le reste du temps, Sauron a assuré l'ensemble des tâches ménagères pendant plus de six mois. Cuisine, ménage… et travaux, car notre Super Chantier n'est pas encore terminé (mais le rez-de-chaussée est fini, c'est déjà pas mal !). Super Sauron a tout géré de main de maître, mais il commençait aussi à fatiguer.

Autant te le dire franchement, notre vie amoureuse a aussi pris un sacré coup. Fatiguée, jamais là, irritable, stressée, la tête toujours ailleurs, j'étais là sans être là, tout juste bonne à m'effondrer sur le canapé. Sauron, en mari attentionné, a pris soin de moi de son mieux, m'a laissée me reposer et a plusieurs fois tiré la sonnette d'alarme en me disant que « trop, c'est trop » et que je n'allais pas bien. Sauf que je suis une salariée dévouée, une militante obstinée et que je suis têtue ! Je n'ai rien voulu entendre… ou plutôt, j'ai fait la sourde oreille, à coup de « oui, oui » et de « on verra ».

Mes amis aussi ont commencé à se rendre compte que quelque chose n'allait pas. Jamais là, jamais libre. Combien d'anniversaires, de soirées, de sorties, de séances de sport, de films au cinéma, ai-je manqués cette année ? Je ne peux même plus compter.

Certains ont fait preuve de compréhension, continuant à m'envoyer des invitations même s'ils connaissaient déjà ma réponse, proposant des moments de détente, de se retrouver dans les espaces de co-working pour avoir l'occasion de se voir un peu, même en travaillant. Je les en remercie : ça m'a permis d'avoir un semblant de vie sociale !

Une amie elle-même victime d'un joli burnout l'année précédente m'a encouragée à lever le pied et à prendre soin de moi, sentant venir le creux de la vague. Mais je ne l'ai bien évidemment pas écoutée ! « Le burnout, c'est pour les autres, pas pour moi ! », « Je suis forte, je vais y arriver ! », « J'en ai vu d'autres ! », me disais-je.

Certains ont été moins compréhensifs et ont pris de la distance. Parce qu'ils en avaient assez de m'entendre (trop) parler de mon travail lors de nos rencontres, parce que cette année m'a fait mûrir, m'a changée, parce que je dégageais du stress et des ondes négatives, parce qu'avec ma tête dans le guidon, je ne leur posais plus autant de questions sur eux et sur leurs vies, certaines personnes ont préféré s'éloigner de moi. C'est dommage et en même temps, c'est tant pis, c'est la vie : on prend des chemins différents et ça permet de faire du tri entre les vrais amis et les autres !

Je ne parlerai pas ici de ma famille, car ils sont loin et ne se sont donc pas rendu compte de tout ça. Pour mes parents, issus de familles d'ouvriers et d'agriculteurs, la valeur du travail est très forte. Ils trouvent donc normal (comme moi !) de s'investir à fond dans son activité professionnelle et d'en faire une priorité, sans pour autant être carriériste ou ambitieux. Dans ma famille, on parle juste de « professionnalisme », parfois un peu poussé à l'extrême. Ça ne les a pas empêchés de me reprocher parfois de ne pas aller les voir ou de ne pas téléphoner assez souvent !

Après ce petit aperçu de la situation qui m'a conduite au burnout et de ses conséquences, je reviens rapidement pour te dire comment je suis sortie de ce cycle infernal et comment j'ai remonté la pente.

Et toi ? Tu as connu le burnout ? Comment est-il entré dans ta vie ? As-tu eu l'impression qu'on te mettait la pression, ou que tu te mettais la pression toute seule ? Viens en discuter…

Toi aussi, tu veux témoigner ? C'est par ici !

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12 Comments

  • Madame Fleur

    18 octobre 2016

    Je me reconnais totalement dans ce que tu décris. Je suis contente d’en être totalement sortie mais j’imagine qur cela n’a pas dû être facile pour toi et ton mari (cela nous a pas mal fragilisé en tant que couple, mais heureusement cela va mieux).

  • MlleMora

    18 octobre 2016

    Le monde associatif est vraiment difficile lorsqu’on y est salarié, je comprends ton investissement initial et la hiérarchie est toujours contente de trouver quelqu’un qui a les épaules assez larges pour faire le travail de plusieurs personnes vu qu’ils ne pourront pas embaucher plus de monde de toute façon…
    Je suis rassurée à l’idée que tu aies obtenu tout de même le cdi (ça aurait été un comble !) – la frontière est dure à définir mais je suis sûre qu’à présent tu sais où elle se situe et que tu ne te laisseras plus embarquer dans une vie où le travail prend trop le pas sur tout le reste.
    C’est bien que tu aies des amis qui ont pu comprendre et te soutenir dans cette période.
    Pour ma part, j’ai connu l’inverse : le bore-out, eh oui dingue hein ? J’en ferai un article prochainement.

    • Mangue

      20 octobre 2016

      Merci pour ton commentaire.
      Il se trouve qu’avant de trouver ce boulot (qui me passionne!) j’ai aussi connu une phase proche du bore-out dans mon travail précédent.. et pense que ce changement radical de situation, le fait de se sentir enfin valorisée et utile voire indispensable ne m’a pas aidé à être en capacité de lever le pied.
      Bref, il faut se méfier des transitions brutales !
      Vivement ton article !

  • Ars Maëlle

    18 octobre 2016

    Ton article raconte bien le mécanisme qui nous conduit à craquer : un mélange de conscience professionnelle exacerbée, de quête de reconnaissance et de fierté d’être fiable, efficace, voire indispensable.
    J’ai eu un gros craquage il y a plusieurs années pour lequel la dimension professionnelle était secondaire. Puis un second plus récemment bel et bien lié à une surcharge professionnelle (des exigences trop élevées de ma hiérarchie, mais surtout une barre placée beaucoup trop haut par moi-même), qui m’a menée à la rupture conventionnelle. Et cette année, je sens que je joue avec le feu : après des nuits blanches, des week-ends entiers travaillés, j’ai dû rater le dîner d’EVJF d’une de mes meilleurs amies (j’ai bossé jusqu’à 5h du matin ce jour là…). Je sais que c’est risqué, je sais qu’il faut apprendre à dire stop, mais bon, mes chefs ne donnent pas l’exemple (réunion téléphonique depuis la maison de famille jour de l’enterrement de la tante, réunion téléphonique sur les genoux depuis la voiture le jour du départ en grandes vacances !) alors c’est d’autant plus dur.
    Il faut être fort pour résister à la pression externe (genre si tu fais ce truc à temps on décrochera un financement, si tu prends ce truc en plus on améliorera notre visibilité…) mais aussi interne (si je dis non, je laisse tomber quelque chose qui me tient à coeur, je déçois les gens…)
    Quand la reconnaissance est faible en face, c’est encore plus dur parce que tu as envie de la mériter (et moi, je ne crois pas au « je fais juste mon job », quand quelqu’un fait qqch de bien il mérite qu’on lui dise, même s’il est payé pour).
    Bref, heureuse que tu en sois sortie, prends soin de toi car comme avec les relations toxiques dont Nya parlait hier, il y a des terrains favorables et il faut être vigilant pur éviter la rechute.

    • Mangue

      20 octobre 2016

      Comme tu le décris très bien il y a bien deux pressions : de l’extérieur et de soi-même. Personnellement, comme je le décris dans la seconde partie, le plus dur a été d’admettre les pressions que je me mets à moi-même et tout ce que cela cache en termes de complexes personnels…

  • Christelle

    18 octobre 2016

    Mon 1er boulot était aussi dans l associatif, et je me retrouve totalement dans ton témoignage. Ce qui m’a sauvé du burn out, c’est davoir commencé à fréquenter mon mari à cette époque (qui faisait et fait toujours partie de l’association), ce qui m’a aidé à prendre du recul. Et ce qui a conduit à une incompréhension de mes responsables à moins être dispo à tout moment, à vouloir appliquer la loi du travail (ah ah ah, les réunions en soirée qui « coûtent » 7h récupérées seulement 4. ..),… Et au final, j’ai donné ma démission au bon moment pour garder un bon souvenir d’eux avant mon départ, même si c’est resté assez glacial avec mon 1er patron.

  • Miss Chat

    18 octobre 2016

    On voit très clairement dans ton récit un des éléments clés du burn-out : le fait de se rattacher par tous les moyens au moindre petit signe que « non mais ça va en fait ». On le voit dans ta satisfaction d’avoir obtenu le CDI, d’être seule responsable des projets, d’être reconnue comme indispensable, etc. Tu te raccrochais à ce que tu pouvais pour justifier une implication pareille. Moi, je pense que ta vraie fierté aujourd’hui, ça devrait être de t’être sortie du burn-out 😉
    Je n’en ai jamais été victime personnellement : je m’investis toujours beaucoup mais quand je sens qu’une limite est dépassée (par moi, mes boss ou les deux), je perds instantanément tout intérêt pour le job…

  • Madame Bisounours

    18 octobre 2016

    Je suis désolée de lire que tu as connu un burn out. Mais comme tu as l’air de t’en être sortie, je serai ravie d’en lire plus sur ton boulot (comme tu nous as gentiment proposé !)

    • Mangue

      20 octobre 2016

      C’est avec plaisir que je peux préparer d’autres articles sur mon travail. Dis moi sur quels sujets tu voudrais en savoir plus !

      • Madame Bisounours

        30 octobre 2016

        Oh merci ! Désolée de répondre si tard, j’étais plutot occupée ces derniers temps.
        Si c’est possible un topo sur tout ce que tu as énoncé dans ton article ce serait top (de la finance participative aux modèles alternatifs…) Je m’y intéresse de manière personnelle mais si tu pouvais faire un article ce serait top, pour faire découvrir à elles qui ne connaissent pas et pour parfaire mes connaissances !

  • Tamia

    18 octobre 2016

    Tu décris très bien les éléments qui mènent au burn-out, ainsi que les conséquences plus larges qui sont consécutifs…
    Quand on est dedans on ne s’en rend pas compte, mais quand on en sort et qu’on remarque les dommages collatéraux : la note est salée ! J’ai mis du temps à me reconstruire, mais certaines choses ne sont pas réparables…
    Maintenant, j’ai appris à être vigilante et je n’hésite pas à faire la remarque à mes amis et collègues quand je note un glissement !

    • Mangue

      20 octobre 2016

      Effectivement même quand on en a pris conscience le chemin pour en sortir est long et on découvre au fur et à mesure tous les dommages collatéraux : le couple, les amis, soi-même, sa relation au travail, à ses collègues, aux autres… Il est certain que je ressors changée de cette période…

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