Un vilain défaut, la timidité ?

Mon rêve d’enfant, c’était de devenir écrivain. J’ai beaucoup écrit pendant mon adolescence, des romans partagés à mes amies et ma sœur. J’écris toujours, plus lentement par manque de temps, mais j’aime toujours écrire des romans.

Le truc, c’est que je suis timide.

Oui, tu as bien lu : timide.

En quoi cela m’empêche d’accomplir mon rêve, tu me diras ?

Crédit photo : Winsker

Et bien, quand on est timide, on n’aime pas vraiment être au cœur de l’attention, on a une peur atroce de l’avis des autres sur soi-même. C’est presque une forme fierté exacerbée d’être timide, finalement. Tu comprends donc, que je suis incapable de montrer mes écrits à d’autres personnes que mon entourage, qui est forcément bienveillant. Je ne supporterais pas la critique. D’ailleurs moi-même, lorsque je dois critiquer quelque chose, je le fais avec le plus de délicatesse possible, ne voulant pas infliger aux autres ce que je ne supporterais pas moi-même.

Quand on est timide, on met en place des stratégies pour éviter de se trouver dans des situations qu’on ne veut/peut pas gérer. La mienne, c’est d’être « irréprochable ». Je vais toujours essayer de faire le maximum pour qu’on ne puisse rien avoir à redire à ce que je fais. Bon petit soldat, comme dirait mon mari. J’ai donc toujours été bonne élève, et au boulot, je suis le genre de personne qui répond tout de suite aux sollicitations (pour quelqu’un qui travaille dans les services supports, c’est plutôt un atout !)

Tu imagines bien que s’ordonner d’être irréprochable au quotidien, ça met une certaine pression, et que la chute est d’autant plus douloureuse quand on n’y parvient pas… (coucou permis de conduire raté la première fois…)

Ma timidité a été un handicap dans ma vie de tous les jours.

Quand j’étais petite, j’avais peur de m’adresser aux vendeurs : tu imagines le malaise… Demander le pain à la boulangerie me demandait un effort suprême : il fallait que j’imagine la scène dans ma tête, que je réfléchisse à la formulation de ma phrase, espérer que la vendeuse me comprendrait du premier coup, ce qu’il fallait dire pour dire merci et au revoir… Un truc de dingue, je te dis !

Les chiens ne font pas des chats, j’ai sans doute hérité de ma timidité par mes parents, deux grands timides à leur façon. Heureusement, mon père, connaissant le handicap que cela peut représenter dans la vie, m’a inscrite au théâtre quand j’avais 11 ans. Avant ça, ma timidité se manifestait seulement en présence d’inconnus, mais à l’entrée au collège, je m’étais refermée sur moi-même en classe, je n’osais plus jamais lever la main alors qu’à l’école primaire j’étais plutôt moteur (encore aujourd’hui, je me demande comment je faisais, tellement j’ai pris l’habitude de ne rien dire « en public »).

Le premier cours, c’était l’angoisse totale. Je voulais arrêter immédiatement. Impossible de me mettre devant les autres et de dire quoique ce soit. Mon père a tout de même insisté et m’y a amenée, religieusement toutes les semaines, même si je râlais.

Et ça a marché. Au fur et à mesure des cours, je me sentais plus à l’aise, capable de parler devant les autres et même de m’y amuser.

J’ai fait du théâtre pendant près de dix ans. Avec mes amis, on avait même monté notre propre troupe. J’adorais être sur scène. Cette sensation de sortir de soi, de prendre la place de quelqu’un d’autre et de laisser de côté cette fille un peu gauche que je n’aimais pas beaucoup, c’était galvanisant.

On ne peut pas dire que ça m’ait aidée à participer en classe : je suis restée la fille dont les profs écrivaient sur chacun de mes bulletins : participez, élève discrète… Ça me fait encore râler aujourd’hui, parce que je trouve que le système scolaire n’encourage pas les timides à sortir de leur coquille.

Le théâtre m’a cependant permis de comprendre que le ridicule ne tue pas, et qu’il était possible pour moi de m’exprimer devant des centaines de personnes sans trembler, incroyable ! J’arrive donc assez facilement à faire des présentations en public dans le cadre du boulot (je suis un peu rouillée car ça ne m’arrive plus d’en faire depuis que je suis dans la fonction publique, mais je sais que si je dois le faire, ça ne m’effraie pas.)

Aujourd’hui, dans ma vie d’adulte, la timidité est toujours tapie au fond de moi, et il faut que je fasse des efforts au quotidien pour la refréner.

Alors, bien sûr, je n’ai plus peur de parler aux vendeurs (quoique je ne suis pas du genre à entamer la conversation non plus, faut pas rêver), je suis capable de discuter avec des personnes que je ne connais pas (même si je me demande toujours de quoi je vais bien pouvoir parler)…

Mais, c’est tout de même difficile pour moi dans la vie professionnelle, je n’ose pas donner mon avis en réunion (je déteste devoir en organiser d’ailleurs), même si je suis capable d’exposer mon point de vue directement à mon chef. Mais en réunion, je dois vraiment me faire violence, ou me préparer en amont si je sais que je vais être sollicitée.

Pourtant, je me challenge en changeant de poste régulièrement, me forçant à sortir de ma zone de confort et me remettant en jeu à chaque fois (ça amuse beaucoup mon mari de me voir stresser avant chaque nouvelle prise de poste pour m’entendre dire un an plus tard que j’ai fait le tour et que je veux faire autre chose…)

Mais finalement, cette timidité qui vit avec moi depuis toutes ces années, fait aussi ce que je suis, et je pense avoir fini de la trouver vilaine. Après tout, elle ne m’a pas empêchée de rencontrer mon mari, de nouer de liens avec mes amis du théâtre qui sont toujours dans ma vie aujourd’hui, de changer de boulot à multiples reprises, de faire le tour du monde, d’avoir des enfants…

Je suis fière du chemin accompli malgré elle. Je suis toujours assez étonnée quand j’avoue ma timidité, de m’entendre dire « ah bon ? Tu as l’air à l’aise pourtant ». Le genre de truc que je dis aussi aux gens qui m’avouent être timides. Finalement, j’ai l’impression qu’on est nombreux à avoir une forme de timidité qui va se manifester de différentes façons, mais qui, finalement, n’empêche pas les gens de vivre.

Peut-être qu’on devrait la réhabiliter cette timidité, arrêter de considérer qu’il s’agit d’un défaut, lui faire une petite place pour permettre aux plus timides de s’épanouir dans la société, malgré tout.

Et toi, es-tu timide ? Dans quelles situations se manifeste ta timidité ? Ou au contraire tu es assuré(e) en toute circonstance ? Raconte !

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14 Comments

  • Caroline

    26 mars 2018

    ah on dirait moi!
    maintenant j’essaie de me soigner, en me jetant à l’eau et finalement ca apporte souvent + de positif que de négatif!
    mais ce sentiment de devoir etre tjrs irréprochable, à la hauteur, que personne ne puisse redire à ce que je fais, c’est un sentiment que je partage aussi, et c’est plutot stressant! il faudrait accepter que l’on est imparfait!

    • MlleMora

      26 mars 2018

      Oui, accepter qu’on est imparfait, c’est mon combat au quotidien, moi aussi ! 🙂

  • Miss Chat

    26 mars 2018

    Ton article me parle beaucoup, j’étais également une grande timide et introvertie mais on a eu des développements très différents, c’est amusant à constater 🙂
    J’adore le théâtre (en faire, en voir, etc.) mais je n’ai jamais eu l’impression que ça aidait ma timidité ; au contraire, j’avais l’impression d’avoir tellement tout donné dans le jeu que j’avais tout épuisé pour la vraie vie !
    Je suis d’accord avec toi par rapport au système éducatif, ça n’aide absolument pas à s’épanouir à ce niveau. Moi, c’est vraiment à l’unif que j’ai commencé à oser m’exprimer (un peu) : parce qu’on n’avait pas le choix, il fallait participer et il fallait le faire face à un amphi de 300, 500… 1200 personnes.
    Perso, ce qui m’a vraiment aidée, c’est d’entrer dans le monde du travail ! Avec mon métier, j’ai rencontré tellement de gens avec qui je devais interagir, parfois des gens importants et tellement plus hauts placés que moi, que ça m’a assez bien vaccinée de ma timidité. Dire en réunion à un vice-président juridique d’une multinationale qu’il a oublié un truc et que du coup c’est pas la bonne façon de faire ? Pas de souci, laisse-moi faire ! 😉

    • MlleMora

      26 mars 2018

      Si j’avais poursuivi dans le recrutement, comme toi, je crois que ma timidité professionnelle se serait effacée avec le temps : j’osais beaucoup plus quand je bossais dans le recrutement, alors que maintenant je suis beaucoup moins exposée, du coup ça ne m’oblige pas à sortir de ma coquille…

  • Sarah

    26 mars 2018

    J’ai l’impression en te lisant que ce que tu décris ressemble plus à un manque de confiance en soi que de la timidité ? J’ai longtemps cru que j’étais timide, car c’est juste l’image que je renvoyais, mais au final je me suis rendue compte que non, puisque que quand je ne connais pas les gens et que je n’ai donc pas peur de leur jugement (je m’en fiche royalement soyons clair) je n’ai jamais eu de problème à aller vers eux et discuter. Mais comme Miss Chat c’est mon travail a vraiment été le moteur de mon épanouissement, en évoluant dans une sphère peuplée d’inconnus j’ai vraiment pu me lâcher et même mes collègues se moquent gentiment de moi quand ils voient mon évolution en 5 ans !

    • Choupichette

      26 mars 2018

      J’allais écrire à peu près le même commentaire.
      Je me reconnais dans pas mal de points de l’article (notamment l’école où j’ai toujours eu « élève discrète » sur mes bulletins…) mais en fait je me suis rendue compte que c’était un manque de confiance en moi qui était liée (pour mon cas très personnel) à mon surpoids (puis à mon obésité).
      Lorsque j’ai perdu mes kilos ça a été une renaissance ! et, coupé à un travail sur moi même, j’ai réussi à me dire que ça valait la peine que je m’exprime parfois. Ma parole n’est pas moins importante que celle de quelqu’un d’autre

    • MlleMora

      26 mars 2018

      Je ne suis pas à l’aise avec les gens que je ne connais pas : je sais me faire violence pour que ça ne se voit pas de trop (et puis… l’âge aidant !)
      Je ne pense pas manquer de confiance en moi, c’est cette confiance en moi qui fait que je peux engager des actions, me lancer, me remettre en danger… Je crois vraiment que j’ai une forme de timidité, mais je l’apprivoise avec le temps – je crois qu’en vieillissant, on est moins timide de toute façon !

  • Virg

    26 mars 2018

    Je suis d’accord que la timidité devrait être réhabilitée. J’ai toujours cherché la compagnie de ceux qui sont dans leur coin car j’ai remarqué que, une fois le premier contact à peu près établi, leur discussion était généralement très intéressante; dans le sens réfléchi. Pour rigoler, les personnes extraverties sont de joyeux compagnons mais, pour une vraie conversation, les timides m’ont toujours parus plus censés ou leurs remarques plus pertinentes. Cliché ? Je ne sais pas, c’est peut-être le fait que les timides tournent 7 fois leur langue dans leur bouche avant de parler ? 😉

    • MlleMora

      26 mars 2018

      Peut-être !
      En général, timides et extravertis s’accordent bien… Parce que j’avoue que quand je suis face à quelqu’un de timide, c’est pas évident de se lier, même si avec le temps ça fonctionne aussi !

  • Audrey

    26 mars 2018

    J’ai l’impression de me lire. Surtout avec cette histoire de parler aux vendeurs quand on est gamin. Jusqu’à 10 ans environ je faisais carrément une crise de larmes quand ma mère me proposait d’aller chercher le pain car elle était garée en double-file… Aujourd’hui mon impatience prend le pas sur ma timidité lorsque je suis en boutique… Mais elle est toujours présente, notamment dans le milieu pro… C’est un vrai supplice de devoir prendre les choses en main… Mais bon en effet tout ça ne m’a pas empêché de trouver un futur mari extra et d’avoir une belle bande d’amis. Et du coup quand je dis aux gens que je suis timide, eux aussi sont très étonnés.

    • MlleMora

      26 mars 2018

      Ma pauvre, je compatis pour l’épreuve de la boulangerie ! Maintenant, ça m’amuse quand je m’adresse à un vendeur : franchement, de quoi j’avais peur ?!
      Du coup, j’essaye de pousser ma fille dès maintenant à ne pas avoir peur d’aller demander, de parler aux gens…

  • Raphaelle

    26 mars 2018

    Je suis bien d’accord avec toi, la timidité ne devrait pas être vu comme un défaut, mais comme une caractéristique de la personnalité comme une autre! L’expression que le déteste le plus « il faut qu’elle se lâche un peu »/ »ah ben on entend enfin le son de ta voix » brrrr. Tout le monde n’a pas la même personnalité (et encore heureux) les personnes extraverties ne sont pas « meilleures » que les autres: tant qu’on est épanoui.e.s dans notre vie, pourquoi nous ferions nous juger ainsi?.. De mon coté je suis « socially awkward » (je ne sais pas comment traduire) ce qui est une forme de timidité, disons que je n’aime pas les situations où il y a pleins de gens, où je dois prendre la parole dans un groupe, interrompre dans une réunion, ou même aller à un dîner où il y a plus de 2/3 personnes (même quand les participants sont individuellement chacun des amis à moi), toute réunion de famille, le « small talk » avec les étrangers en général, et ne parlons pas des séance de networking… Aujourd’hui j’assume et j’arrête de culpabiliser de ne pas me sentir à l’aise dans ce type de situation, même si je suis « sensée » (selon qui?) être à l’aise et que je masque ça assez bien pour que tout le monde pense que je suis volubile et à mon aise. Je n’aime pas ça et je n’aimerais jamais ça, mais j’ai une belle vie, si si 🙂

  • Une Mummy

    26 mars 2018

    Oh que je me reconnais dans ce portrait, c’est exactement moi! A 200%! J’étais celle qui était terrifiée à l’idée de prendre la parole en classe, dire bonjour au vendeur ou même, simplement, de répondre au téléphone (et je déteste toujours le téléphone). J’ai fait huit ans de théâtre et ça m’a permis de parvenir à jouer un rôle avec aisance, et me voilà prof en collège sans qu’aucun collègue ne veuille croire en ma timidité terrible. Je suis, comme toi, fière du challenge que je relève chaque jour en allant faire cours. Je suis contente quand on me dit que je semble très sociable et à l’aise dans mes baskets. Cela m’aide aussi, justement, à avoir les bons trucs pour sortir les élèves timides de leur coquille! Evidemment, les chiens ne faisant pas des chats, ma fille de 15 mois est aussi très impressionnable dès qu’un visage sort de son quotidien.

  • Lumi

    27 mars 2018

    Je me retrouve beaucoup dans ton « autoportrait », que ce soit dans la timidité ou dans l’envie d’être irréprochable (personnellement, ce sont deux traits de caractère que je distinguerais, mais j’imagine qu’on peut en effet dire qu’ils sont liés).
    Comme toi, j’ai senti un changement à l’entrée au collège… Et j’ai également fait du théâtre, mais ça ne m’a pas aidée tant que ça : j’ai toujours détesté l’improvisation !
    Aujourd’hui encore, j’ai beaucoup de mal à téléphoner, même si je me soigne… Il faut dire qu’en épousant quelqu’un qui avait le même trait de caractère, je ne me suis pas facilité la vie !
    En revanche, je trouve dommage que tu sois freinée dans ta passion (que je partage aussi !) par cette timidité. Ce n’est pas facile de s’affranchir de la peur des critiques, mais il existe des espaces bienveillants sur Internet pour ce qu’on appelle la bêta-lecture, et ça m’a beaucoup aidée. Si cela t’intéresse, n’hésite pas à me faire signe !

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