Je suis Charlie. La vie entre parenthèses.

Avant-hier. Depuis avant-hier, ma vie — et celle de beaucoup d’autres — est entre parenthèses. Je suis : sous le choc, abasourdie, triste, horrifiée… Beaucoup d’adjectifs pour tenter de décrire des émotions troubles.

Ma tête est pleine de mots et de maux, trop pleine pour continuer de penser, de dormir, et même de respirer librement. Alors étudier…

Tout me parait tellement futile ! Je suis suspendue dans le temps et l’espace, au bord de ma chaise devant le fil d’actualités en direct proposé par le Monde.

Je pense aux victimes, à leurs familles et amis.

Je pense très fort aux policiers qui donnent tout : leur temps, mais aussi leur vie. Drôle de métier… Je ne comprends pas que ces hommes qui ont pour motivation et conviction la protection de leurs compatriotes ne soient pas davantage respectés. Que serions-nous sans eux ?

Je pense aussi aux journalistes. Dans cette situation de crise, ils ne disent pas « Ok, ma journée est finie, j’ai fait mes 8h, je rentre chez moi m’affaler devant la télé »… Ils sont au front, à côté des policiers : ils travaillent d’arrache-pied pour tenir la population informée, minute par minute, de l’avancée de l’enquête…

Je pense à tous les Français. Moi qui me définis habituellement davantage comme une Bretonne, aujourd’hui je me sens blessée. Où ça ? Au pays. J’ai mal au pays. Mon cœur est en berne.

Des milliers d’hommes sont morts par le passé pour défendre nos libertés. La France a souffert de censure, de propagande. Aujourd’hui la liberté d’expression a été meurtrie, de nouveau.

Ce qui est beau, dans cette atmosphère sombre et triste, c’est de voir les Français se lever comme un seul homme, proclamer que nous sommes tous Charlie, nous rassembler, marcher ensemble, allumer les bougies de l’espoir, crier pour nos libertés, faire front face à la barbarie. Les réseaux sociaux voient fleurir, parmi quelques messages de haine, de très nombreux messages de soutien. Les journaux publient les dessins de Charlie Hebdo, les élèves dessinent leur traumatisme et rendent hommage, eux aussi. Ils peignent la tristesse en couleur.

Le monde nous soutient, des rassemblements s’organisent partout sur le globe, les chefs d’États nous envoient leurs pensées et leurs prières.

Ce que je ne comprends pas, c’est cette division politique alors que les Français, eux, s’assemblent. Comme le dit Luc Bronner : « Quelle erreur d’avoir fait du rassemblement de dimanche un débat entre partis politiques. La marche ne leur appartient pas. »

Je m’effraie aussi de l’ambiance un peu paranoïaque qui règne, même si l’on pouvait s’y attendre. Après la fusillade, on apprend que 3 mosquées au moins ont été visées par des attaques, qu’un joggeur s’est fait descendre en pleine rue, qu’une policière est décédée dans une fusillade à Montrouge, que 2 voitures ont explosé… Le tout sans rapport directement apparent avec la tuerie de la rédaction de Charlie Hebdo. Mais les esprits sont inquiets, et à l’affût de la moindre piste, des moindres représailles.

Nos vies sont entre parenthèses. Dans l’attente. Faut-il continuer à avancer pour montrer à ces barbares que la vie est plus forte, que nous continuons à être libres, malgré tout ? Ou au contraire, faut-il marquer un temps d’arrêt par respect pour les vies décimées et la liberté bafouée ?

Ou ne vaut-il mieux pas continuer sur la lancée de Charlie, puisque nous sommes tous Charlie ? Utilisons leurs armes pour avancer, tout en les respectant et en bravant la peur et le mal, c’est-à-dire continuons de rire !

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