Un choix

Hier, nous étions ensemble à boire des verres, à rire, à danser et à chanter faux. Hier, nous étions ensemble pour travailler, pour partager des galères et des bons moments. Hier nous étions ensemble, juste ensemble.

Ce matin, tu as fait un choix. Tout allait bien pour moi, je croyais que pour toi aussi. Est-ce que je n’ai pas vu, ou est-ce que tu n’as rien montré ? Est-ce que tu as décidé sur un coup de tête ? Est-ce que c’était le désespoir d’un moment ? Est-ce que tu pensais que personne ne pouvais jamais plus te comprendre ? Était-ce pour nous faire du mal, que tu t’en es fait à toi ?

Ce matin, tu as fait un choix. Celui de ne plus admirer l’éclosion d’une fleur au printemps. De ne plus avoir le soleil d’été qui te caresse le visage de bon matin. De ne plus taper dans un tas de feuilles mortes pour les faire voler en automne.  De ne plus humer l’air glacial et sentir la neige craquer sous tes pas en hiver. De ne plus jamais avoir l’odeur du pain chaud qui te chatouille les narines devant une boulangerie. De ne plus sentir l’odeur de la pluie d’orage qui s’écrase en grosses gouttes sur un sol brûlant d’une journée caniculaire. De ne plus avoir de fou-rire à en avoir mal aux côtes. De ne plus savourer une glace les pieds dans le sable. Tu as tourné le dos à tout ça.

Ce matin, tu as fait un choix. Tu as décidé que tout ça ne servait à rien. Que cela n’avait pas de sens. Que le meilleur des choix, c’était d’aller de l’avant. Mais quel avant… D’aller vers cet inconnu si sombre, mais qui te semblait probablement si libérateur.

Ce matin, tu as fait un choix. Le pire des choix, le plus moche, le plus nul, le plus inutile. Ce matin tu as fait un choix, le choix de ne plus jamais avoir le choix. Ce matin, tu es mort, et moi je suis encore là. Les bras ballants, le cœur en miettes et des questions qui tournent dans ma tête.

Crédit photo : Free-Photos

Pourquoi as-tu pensé que c’était le seul choix qui te restait ? Nous, qui t’aimons, pouvions t’aider. T’aider à trouver des solutions pour que tu te sentes mieux, que tu retrouves goût à la vie. Que tu puisses de nouveau sourire sincèrement, et pas juste un sourire social. Pas un sourire pour faire comme si. Un sourire du cœur, pas un sourire du corps. Nous allons devoir vivre sans toi, tous les jours de notre vie. Il y aura les premières vacances sans toi, puis le premier Noël. Tu auras pour toujours le même âge, et nous apprendrons à tolérer ton absence. Ce ne sera jamais un classique, la tristesse de ta disparition sera toujours teintée de trahison. Tu nous as imposé ton choix.

Je ne sais pas si toi, lecteur, tu te sens mal au point d’envisager le suicide. Mais si tu trouves la vie pourrie, va voir un médecin, parles-en autour de toi. Ne reste pas seul. Ne rends pas malheureux tant d’autres qui tiennent à toi plus que tu ne l’imagines. Le seul bon choix pour ta vie est celui qui te permet de continuer à choisir. Ne cède pas à la tentation de tout plaquer, y compris sur un coup de tête, comme cela est souvent le cas. Il y a des choix, et parfois on se plante. Et  on repart. Et il y a des choix irrévocables.

A Guillaume, à Pascal, à Fabien. Et aux milliers d’autres que je ne connais pas mais qui laissent derrière eux un vide immense.

 

Ce sujet n’est pas facile à aborder et je crois qu’on ne peut jamais vraiment oublier les circonstances d’un drame pareil. N’hésite pas à laisser ton témoignage sur ce sujet, ou à rendre hommage à une personne disparue.

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17 Comments

  • Cecidrilion

    1 février 2019

    J’espère trouver les mots pour te répondre sans te blesser, sans blesser personne d’ailleurs, mais surtout trouver les mots pour te dire à quel point moi je suis blessée par ton article. Je suis passée par là. J’ai fait une tentative de suicide. J’ai voulu mettre fin à mes jours plus d’une fois. Et je trouve ton article non seulement très dur, mais aussi très égoïste.

    Je veux en entendre et comprendre une partie. Parce que la douleur du suicide, les proches, les gens autour, ne la vive qu’après. Quand quelqu’un s’est suicidé. Mais ce choix, que tu qualifies de « pire, plus moche, plus nul, plus inutile », je l’ai fait. Et il n’était pas le pire de ma vie. Ni le plus moche. Ni le plus inutile. J’ai fait d’autres choix avant, bien plus inutiles, bien plus moches, bien plus nuls. Je vis avec. Avec ces choix comme avec le choix d’avoir voulu me suicider. Et tu me juges, parce que tu pourrais être ma sœur, ma mère, la copine avec laquelle j’ai pris un verre la veille de faire ce choix. Tu me juges parce que tu aurais pu être cette personne avec le cœur en miettes. Est-ce que pendant une seconde tu imagines que moi, ou d’autres, vivons peut être avec le cœur en miette depuis des années ? Pourquoi n’aurais-je pas le droit de, je cite, rendre malheureux tant d’autres qui tiennent à moi plus que je ne l’imagine ? Qui s’est soucié que moi, je sois malheureuse ? Et pourquoi les autres auraient le droit de me rendre malheureux et pas moi ? Je pense à plusieurs personnes qui m’ont fait des reproches, m’ont expliqués combien ils avaient le cœur brisé que j’ai fait une tentative de suicide. Et ces gens, j’avais juste envie de leur sauter à la gorge. Parce que peu m’importe que je compte pour ces gens. Qu’ils tiennent à moi, je m’en fous. Parce que ces personnes m’ont rendue malheureuses. Suffisamment malheureuse pour que j’ai envie de mettre fin à mes jours.

    Bien sûr il y a les autres. Ceux à qui je ne souhaite aucune peine. J’ai conscience qu’en faisant ce que je fais, je vais les rendre malheureux. Mais je fais un choix pour moi, pas pour eux. Ce choix réfléchi de m’ôter la vie. De choisir de ne pas vivre ce futur. Ces gens qui, peut-être comme toi, qualifieront mon geste de trahison. Et à ce choix que j’ai failli leur imposer, je réponds qu’on m’a imposé bien pire. On m’a imposé de rester en vie, on ne m’a pas laissé mourir. Et puis pour être très honnête, je pourrais presque dire que l’on m’a imposé des conditions de vie qui m’ont rendu tellement malheureuse que j’ai voulu en finir.

    J’ai fait une tentative de suicide. Le seul regret que j’en garde, c’est de l’avoir loupé. Peut-être que je changerais d’avis. Mais il m’arrive encore certains soirs d’y penser, de vouloir recommencer. Mais ce drame est le mien. Voir mes proches – et les proches d’autres – se l’approprier, comme une tragédie personnelle, me rend triste. Je l’entends, je le comprends parfois. Mais je n’oublie jamais que derrière cette volonté de mettre fin à ses jours, il y a mille raisons pour la personne qui le fait. Je suis suivie depuis des années. On m’a dit dépressive, fatiguée. Et maintenant je vais « mieux ». Je vais mieux parce que je ne vis qu’à moitié, dans des parenthèses acceptables pour la société. Peut-être qu’il me prendra un jour ce choix d’en finir – et de ne pas me louper cette fois. Et je suis persuadée que si cela arrive, je resterai dans l’état de paix dans lequel j’étais la dernière fois. Les gens apprendront à vivre sans moi comme j’ai appris à vivre avec mon malheur jusqu’à ce qu’il me dépasse.

    J’ai écrit beaucoup et j’ai conscience que beaucoup, la plupart, ne comprendront pas. Mais j’avais besoin de l’écrire, parce que ton article m’a véritablement fait du mal.

    • Rigel

      1 février 2019

      Je suis désolée de t’avoir blessée, soit en bien sûre, ce n’était pas le but.
      Je ne te connais pas, tu ne me connais pas. Moi, qui ne te connais pas, je suis contente que tu aies échoué à te suicider. Parce qu’autrement, tu n’aurais pas pu exprimer ton point de vue, ta tristesse, ton mal-être. Tu n’aurais pas pu m’accuser, à tort ou à raison d’être égoïste. Tu n’aurais pas pu me mettre face à ton histoire et me dire  » Et pourquoi les autres auraient le droit de me rendre malheureux et pas moi ? « .
      Quand on aime, on est égoïste. On tient aux autres. On a envie de les avoir avec soi, pour toute notre vie. On a envie de les aider, même si c’est parfois de façon maladroite. Tu t’en moques, oui. Mais n’empêche. Tu ne souhaites pas rendre tristes certains, mais tu t’es fait mal, et tu leur as fait mal aussi. Tu as voulu faire le choix d’arrêter ta vie, et on t’a imposé de continuer à vivre. Et j’espère que ce que certains ont choisi pour toi, à ta place et contre ta volonté sera positif. Peut-être pas aujourd’hui, ni demain, ni les prochains mois. Mais j’espère que tu vivras de nouveau à 100%, pas juste pour que ce soit acceptable pour la société. Pour que toi, tu aimes te lever le matin et te dire que oui, la vie est belle, et vaut le coup d’être vécue jusqu’au bout.
      Je te souhaite beaucoup de courage dans tes épreuves, et je l’espère, de l’apaisement.

  • Sarah

    1 février 2019

    Je ne savais pas comment réagir à ton article sans blesser, mais je rejoins Cecidrilion.
    Je n’ai jamais fait de tentative de suicide, même si j’ai eu des heures très sombres et que j’y ai pensé de nombreuses fois, à ce moment là je t’avoue que la réaction de mes proches m’importait bien peu. Au contraire, je les aurais même mis responsables de mes malheurs et responsables de ne pas m’avoir donné les bonnes armes pour affronter la dure réalité de la vie et les rendre triste aurait presque été ma petite vengeance personnelle.
    Je pense que personne ne peux comprendre ce choix tant qu’on n’y a pas été confronté soi-même.
    Nous n’avons pas le choix sur notre propre vie, je considère que cette décision sur notre propre mort est notre choix ultime et comme l’explique Cecidrilion, je trouve cela plutôt hypocrite de mettre tous les torts sur les absents.
    Désolé de ma franchise, j’espère ne blesser personne, juste exprimer mon point de vue sur ce sujet délicat à aborder.

    • Rigel

      1 février 2019

      Bien sur que non, on ne peut pas comprendre un suicide. On ne veut pas comprendre.
      Les causes d’un suicide sont partagées, entre ceux qui ne savent pas écouter ou voir et ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas s’exprimer. Le manque de communication, d’empathie, d’attention. Tout ça. Je ne sais pas comment, pourquoi, on en arrive là.
      Contrairement à toi, je pense qu’on a le choix sur propre vie. Chaque jour. Tant qu’on n’est pas mort. Après, c’est fini. C’est trop tard. On ne peut plus revenir en arrière.

  • Jeanne

    1 février 2019

    Je suis assez d’accord avec les deux commentaires ci dessus. Je trouve cet article assez égoïste. Ceux qui décident de mettre fin a leur vie sont dans une telle détresse… Venir leur dire qu’ils font un choix « moche » « pire »… Pas bien sur que ça les aide ! La situation est bien plus compliquée que ça ! Cet article est vraiment difficile pour ceux qui en sont passé par là comme Cencidrillon, je ne suis pas concernée mais je le trouve déjà violent alors j’ose imaginer pour ceux qui sont dans cette situation… Mes pensées vous accompagnent.

  • AurélieB

    1 février 2019

    Merci pour cet article… Car contrairement aux commentaires ci-dessus je partage ton point de vue. J’ai moi aussi subi la perte d’un proche qui avait fait ce choix et ne m’en suis jamais remise même si ça va faire 17 ans. J’avais 10 ans et j’ai été celle qui a découvert ce choix (oui à 10 ans je n’aurais jamais du retrouver mon beau-père qui s’est suicidé)… Même si je ne lui en veux pas, je n’ai toujours pas accepté son choix ni réussi à me remettre de cette terrible journée qui a bouleversé ma vie… Alors je te comprends… Les souffrances sont apaisées pour celui qui fait ce choix mais ne font que commencer pour tous les autres… Dès tes premiers mots j’ai compris le thème de ton article qui m’a vraiment émue profondément…

  • Madame Colombe

    1 février 2019

    Je vais aller un peu à contre-courant des derniers commentaires.
    Le suicide est un choix que je comprends, car pour certains la vie est insupportable.
    Pour autant, il ne faut pas oublier la douleur et la culpabilité de ceux qui restent. Car ce n’est pas une mort « naturelle » mais décidée. Et c ‘est peut-être là que réside le souci.
    Une cousine de ma maman s’est suicidée car elle se sentait abandonnée de tous. Jusqu’au bout, Maman a tenté de la dissuader. En vain.
    Presque 40 ans après, Maman s’en veut encore de n’avoir pas trouvé les mots pour retenir sa cousine à la vie.
    J’essaie de la rassurer en lui disant qu’elle n’a pas à se sentir coupable et que rien n’aurait pu détourner sa cousine de son dessein.
    Quoi qu’il en soit, je comprends tous les points de vue énoncés et espère que mes propos ne choqueront personne.
    Rigel, merci d’avoir écrit cet article. Le suicide est un sujet tabou mais il est tout à fait probable que nous soyons concerné plus que nous le croyons. Je trouve aussi les interventions des lectrices concernées par ce sujet très courageuses. Je vous souhaite à toutes une bonne continuation.

  • Maug

    1 février 2019

    Bonjour,
    Je rencontre tous les jours dans mon travail des gens qui ont fait des tentatives de suicide. (je suis psychiatre aux urgences). Alors je rencontre les gens qui ont fait des tentatives de suicide et je vois leurs proches aussi. Je pense que si le texte de Rigel paraît difficile, c est qu il exprime la peine des proches, l incompréhension, le manque, qui est legitime. Je vois cette même peine effectivement chez les proches. Cette même question du choix: pourquoi a t il choisi de partir plutôt que rester avec nous, avec moi? Pourquoi m a t il abandonné en partant ?
    Et je comprends aussi les commentaires. Le suicide n est pas un choix. Nous le voyons bien avec nos patients. Il y a lors de la crise suicidaire une rigidité de la pensée inhabituelle qui ne fait voir qu une seule solution, le suicide, et occulte toutes les autres. C est pour cela que c est de l ordre de la maladie. En général, la personne va même jusque penser que ses proches seront soulagés de sa disparition. D ailleurs, la personne veut rarement mourir en tant que tel, mais plutôt arrêter de souffrir. Dans l immense majorité des cas, la personne n est plus suicidaire, et ne souhaite plus mourir dans les 24h suivant le geste, et est surpris d avoir fait cela. La culpabilité peut alors être importante, d avoir fait peur à ses proches, par exemple.
    Un suicide est donc un désastre, un gâchis terrible. Il est vraiment possible d aider les gens ayant des idées suicidaires et d agir pour les sortir de là . N hésitez pas à consulter, et si vous ne savez pas qui aller voir, le médecin généraliste vous orientera.
    Enfin, si quelque un vous dit avoir des idées suicidaires, croyez le. 80%des suicidants avaient exprimé des envies de suicide à leur entourage. Donc, si ça arrive, ne gardez pas ça pour vous, appelez de l aide et emmenez votre proche consulter (même s il n est pas d accord !) . Le médecin traitant, par exemple, voir SOS médecin ou samu si c est urgent.
    Une grosse pensée pour tous ceux qui sont emprisonnés dans leurs idées noires et une autre grosse pensée à ceux qui ont perdu un être cher.

    • Freyja

      2 février 2019

      Merci Maug. Je ne savais pas que dire mais je sentais qu’il était important aussi que l’avis des professionnels soient exprimés (je suis psychologue et je travaille en psychiatrie).
      Le suicide est l’étape la plus grave de la dépression. Avant ce passage à l’acte, la personne est très rigide cognitivement, elle n’accepte aucun point de vue ni aucune remise en question, notamment parce qu’elle est dans cet état de « saturation », elle dit « je suis à bout », « je n’en peux plus ». Les biais cognitifs sont très forts à ce stade.
      Elle ne prend pas (ou très peu) en compte le point de vue des autres, ou en tout cas elle le juge moins important que le sien (« ils vont être tristes mais moi je souffre tous les jours »).
      C’est ce qui est douloureux dans cet article, pour les personnes qui sont passés par là : il s’agit du point de vue de l’entourage, brut, émotionnel, sans filtre. Comme l’est le point de vue de la personne qui souffre de dépression.
      Finalement c’est ce que l’on a de l’autre côté du miroir, c’est ce qui fait réagir.
      Et je répète ce qu’a ecrit Maug mais : si vous allez mal, consultez, appelez, avertissez. Ne restez pas dans votre souffrance.
      Et si un proche vous dit qu’il va mal, aidez-le, agissez.
      Merci pour cet article Rigel.

  • MlleMora

    1 février 2019

    Sujet très délicat et complexe…
    Je voulais juste rappeler que dans nombreux cas le suicide est la conséquence d’un trouble psy (dépression notamment), on a souvent trop tendance à parler de « choix » mais dans ces cas-là, ce n’est pas un choix, c’est la maladie qui nous tue.
    En tous les cas, c’est terrible pour ceux qui restent, mais la souffrance devait être d’autant plus terrible pour ceux qui sont partis…
    C’est effectivement courageux de la part des lectrices concernées par ce sujet d’avoir donné leur perception.
    Et Rigel, ton article permet de briser le silence, c’est vraiment appréciable !

  • Emma_chan

    1 février 2019

    moi je comprend tout a fait ton message, ta tristesse et ta colère. Elles sont légitimes et normales. Même si sur le fond je suis d accord avce Mme Mora et qu on est plus dans une maladie que dans un choix, le suicide est une extrême violence imposée aux proches.

  • Pippa

    1 février 2019

    Pour moi, le suicide n’est pas un choix, mais la seule option quand la souffrance devient intolérable. Dans mes pires instants, l’idée me vient.

    Actuellement soignée pour des troubles psychiatriques, je trouve ta conclusion un peu maladroite et simpliste, même si on ressent toute la bonne volonté qui en découle. Quand on est malade, on n’est pas capable d’aller voir un médecin. J’ai repoussé ce moment pendant des années, et ce sont mes proches qui ont du me conduire de force chez les différents praticiens. Et « aller voir un docteur », c’est une épreuve terrible. Je me suis sentie jugée et ma souffrance a été minimisée. Heureusement, je suis tombée sur un bon psychiatre qui a mis rapidement le doigt sur ma maladie, et mes proches se sont chargés de prendre les rdv adéquats pour m’aider à m’en sortir mais le parcours est encore très long…
    Aller consulter pour des troubles psy n’est pas une démarche facile, qui peut s’avérer très lourd pour les proches (j’ai perdu mon compagnon au passage). Au vu de tout ça, je comprend bien qu’une personne, isolée ou pas, en détresse décide de reprendre sa vie.

  • A

    1 février 2019

    J’ai une amie qui a fait une tentative quand on avait 19 ans. Je savais qu’elle n’allait pas très bien car mauvaises notes en prépa. Je n’étais pas dans sa classe mais je n’aurai jamais pensé qu’elle irait jusque là. Moi aussi j’avais des mauvaises notes sans avoir ce type d’idée noire (évidemment il y a aussi plein d’autres facteurs mais que je ne connaissais pas). Ca a été vraiment un choc.

    Quand j’ai pu aller la voir à l’hôpital, je l’ai engueulé. C’était peut-être une réaction con mais elle m’a dit quelques années plus tard que cette réaction lui avait fait du bien car j’avais été un peu brutale, j’avais mis les pieds dans la plat. Je crois que c’est parce qu’elle a réalisé qu’elle avait déconné. Je lui ai avoué à ce moment là que j’avais vu un psy /3 fois cette année là (ce n’était même pas la 1ère fois) et elle m’a dit qu’elle aurait bien aimé le savoir avant, savoir que je souffrais et qu’elle n’était pas seule et savoir que ce n’était pas honteux d’aller voir un psy. Peut-être qu’elle aurait osé et qu’elle n’aurait pas été jusque là. C’est un de mes regret de ne pas lui avoir dit avant.
    Elle a été suivie pendant plus d’un an dont une partie à l’hôpital. Maintenant on en a 30 et elle est mariée, heureuse et avec enfant et ça fait tellement plaisir !

    Je pense qu’on fait trop souvent d’aller bien. On a tous des tracas et des souffrances, à différentes échelles. Mais les partager ça me semble primordial. Il faut arrêter de répondre que ça va alors que ce n’est pas le cas quand on pose la question « tu vas bien ? ». Il faut le dire quand ça ne va pas même si ce n’est pas grand chose. Ca nous fait du bien et ça fait du bien aux autres aussi de savoir qu’ils ne sont pas seuls.

    C’est ma mère qui m’a dit d’aller voir un psy quand j’avais 14 ans et quand j’en ai eu 19 et je la remercie. Parler à un inconnu de choses qu’on n’ose pas dire à son entourage, ça fait un bien fou ! A chaque fois, ce n’était que quelques séances, mais ça a suffit à désamorcer le processus. Et ma mère a su me guider car elle a été pourrie par sa propre mère toute son enfance et n’a fait une thérapie que dans la vingtaine. Ca lui a pris des années et elle s’est vite rendue compte que si elle l’avait fait plus tôt, beaucoup de souffrance auraient été évitées.

  • Virg

    1 février 2019

    Je comprends cet article, il vient du proche qui subit, il vient du coeur. Or, les émotions ne sont pas rationnelles et la douleur s’exprime de multiples façons…. irrationnelles encore une fois.
    Je ne comprends pas le suicide, un de mes très proches parents a fait une tentative qui n’a pas réussi par je ne sais quel miracle. Je dois en revanche avouer que je ne lui en ai pas voulu. J’ai tendance à vraiment respecter le choix des gens, qu’il soit subi me paraît être un autre débat. Je ne comprends pas le suicide mais je comprends que, si on n’en vient là, c’est qu’il n’y a plus d’autres choix.
    Je suis désolée de ta peine et t’envoie plein d’ondes de réconfort en espérant qu’elles te parviennent. Après la colère, viennent les larmes, elles te seront sûrement plus salutaires.
    Vraiment du fond du coeur, je te présente mes condoléances.

  • Madame Colombe

    1 février 2019

    J’ai peut-être été maladroite en parlant de choix. Comme le dit Pippa, il s’agit certainement plus d’une  » option ». Quoi qu’il en soit, le suicide est un sujet qui émeut tout le monde.
    J’ai été formatrice en culture générale et abordais ce sujet dans mes cours. A chaque fois, j’étais touchée par les témoignages des étudiants. Merci à Mauguio pour son éclairage professionnel sur le sujet. Rigel, je vous remercie une nouvelle fois pour cet article qui nous permet de réfléchir. Votre peine doit être immense et je pense qu’à aucun moment vous n’avez voulu être blessante dans votre chronique. Je vous souhaite d’avancer sur le chemin de la résilience. Et je souhaite la même chose à Pippa ( j’adore ses chroniques) et à Marie B.

  • Madame Colombe

    1 février 2019

    Je voulais écrire Maug!

  • Kitsuné

    18 février 2019

    Je ne suis pas d’accord avec ton analyse. Si tu me le permets je vais te donner une idée qui m’a beaucoup aidée. Pas du tout pour faire la leçon : juste pour essayer de t’apaiser.
    J’ai vécu un suicide dans mon entourage professionnel proche. C’était quelqu’un qui était soutenu, entouré, soigné, suivi car son état dépressif était connu. Il avait 2 enfants qu’il adorait. Un lundi, il les a emmenés à l’école. Les a embrassés. Et puis il s’est pendu pendant que sa soeur l’attendait en bas de chez lui.
    Nous avons tous vécu son suicide comme une trahison. Comment a-t-il pu choisir de mourir alors que tant de gens se démenaient pour rendre sa vie sympa ? J’étais très en colère. Très amère, comme toi.
    L’apaisement est venu quand un psy (de notre milieu pro) nous expliqué que le suicide n’est PAS un choix. Le suicide, c’est ce qu’on fait quand on se sent acculé. La seule porte qui semble ouverte pour échapper à la souffrance. Un total non-choix donc. Le psy nous a bien dit qu’il est important de ne pas porter de jugement de valeur sur cet acte, sinon on passe à côté de la vérité. Un suicide n’est ni lâche, ni courageux. Ni bien, ni mal. C’est l’issue malheureuse d’une maladie mortelle qui s’appelle la dépression.
    C’est ça qui m’a permis de faire le deuil de cette personne. On meurt de la dépression comme on meurt du cancer. Et on ne choisit pas d’en mourir. On ne prend pas la décision : c’est la décision qui nous prend.
    Peut-être, j’espère, que cette idée pourra t’apaiser. Ton ami qui est mort n’a pas vraiment choisi de mourir. Il est mort parce qu’il était persuadé que c’était la seule issue à une souffrance intolérable. Qu’il n’avait « plus le choix ». Et vous ne le comprendrez jamais car l’état dépressif est incompréhensible pour ceux qui vont bien.
    Bon courage. Et n’hésite pas à solliciter un psy pour parler de tout ça car ça peut vraiment aider. Sans alléger la souffrance de l’absence certes….

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