Se remettre de la tentative de suicide d’un proche – l’après

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Je t’avais laissée juste après le coup de fil de mon Papa m’annonçant la tentative de suicide de Maman et son embarquement à l’hôpital.

L’attente

J’ai immédiatement été trouver mon patron, lui ai expliqué la situation en quelques mots et ai quitté mon travail pour foncer à l’hôpital. Sur le chemin, j’ai appelé Chéri pour lui expliquer la situation, et il a proposé de me rejoindre à l’hôpital juste après le boulot (nous étions milieu d’après-midi un jeudi). Lorsque j’arrive, je retrouve mon père dévasté, qui ne comprend pas.

Maman a avalé une boite complète d’un type précis de médicaments la veille au soir (juste après que je lui ai rendu visite…) alors qu’elle y est allergique, plus quelques somnifères histoire d’inhiber les réflexes de vomissement s’ils venaient à se produire. C’est l’infirmière qui s’occupe des soins pour son dos qui l’a découverte au matin et a prévenu l’ambulance. En gros, elle a absorbé 4x la dose létale (j’ai bien dit létale, pas toxique), et elle n’a été prise en charge que 12h après ingestion, donc les substances ont bien eu le temps d’agir sur son organisme. Le médecin m’explique qu’il faut attendre 3 jours afin d’évaluer les dégâts, mais grosso modo, son foie ne sera pas capable de gérer une telle quantité de médicaments, qu’il faudra peut-être lui faire une greffe en urgence, voire que les dégâts produits soient si graves qu’elle en meure. Boum. Je tombe des nues.

Maman est là, mais dans un état second, elle ne me voit pas vraiment. Le médecin nous renvoie gentiment chez nous, il n’y a rien à faire sinon attendre. Le lendemain, Chéri et moi venons lui prendre visite en réanimation. Elle est consciente, et son premier réflexe est de nous mentir en disant qu’elle a fait une allergie accidentelle aux médicaments, mais que ce n’est pas grave et qu’il ne faut pas s’inquiéter. Bien évidement, nous répondons que nous savons la vérité, et là elle éclate en pleurs. En réalité, elle avait tout prévu depuis des mois, même avant notre mariage.

Se remettre de la tentative de suicide d'un proche – l'après

Crédit : Counselling (CC)

De son point de vue

Elle ne supportait pas d’être devenue l’ombre d’elle-même, et s’était juré de ne pas rester longtemps un poids pour nous. Mais ne souhaitant pas nous gâcher le mariage, elle avait prévu de le faire juste après. Sauf qu’à cause de son dos et de son opération avancée, tout s’est précipité et elle n’a plus eu le contrôle sur rien. Mon grand-père veillait sur elle tout le temps, et Chéri et moi avons déménagé en urgence pour nous rapprocher d’elle. Tout cela en fait, elle ne le voulait pas, puisque sa décision était déjà prise. On lui mettait des bâtons dans les roues. Elle a donc attendu patiemment qu’on lui laisse un peu de marge de manœuvre, et elle a mis son plan à exécution. Elle a même été voir le médecin de famille pour lui demander la meilleure façon de procéder, de sorte à ce que l’on pense que c’était un accident. Bah oui, elle ne voulait pas nous faire de peine en se suicidant…

De mon côté, je suis abasourdie en entendant cela. Bien sûr que j’étais consciente que Maman n’allait pas bien, mais sincèrement je pensais que le plus dur était derrière nous. Elle a vraiment bien joué la comédie ces derniers temps. Elle a tellement tout bien préparé dans les détails, c’est même impressionnant. Le souci c’est que ça a raté. En tout cas, elle n’est pas partie « paisiblement dans son sommeil », comme elle l’avait si minutieusement planifié (et ce n’est pas de sa faute, elle avait vraiment tout fait pour !). Et donc elle se sent horriblement mal à présent, car sa seule chance de « partie par la petite porte, sans faire de mal à personne », ça a raté. Donc en plus de sa détresse, elle a sa culpabilité et notre colère. Autant te dire qu’elle était plus bas que terre. Et maintenant que sa tentative a échoué, elle a très peur d’en assumer les conséquences, de souffrir, d’être handicapée à vie peut-être, bref, une situation encore pire qu’avant.

Au bout de 3 jours d’attente, le verdict tombe : elle s’en est sortie. Mieux que ça, c’est une véritable miraculée (dixit les médecins), car elle n’aura aucune séquelle. Rien du tout. Ce qu’elle n’avait pas prévu, que personne n’aurait pu prévoir, c’est qu’elle a un foie de compétition, vraiment. Elle est donc sauvée, du moins physiquement.

Crédit : rebcenter-moscow (CC)

De mon côté

Durant cette horrible période d’incertitude de 3 jours, j’ai surtout été choquée par ce que m’avait dit Maman, et j’avais vraiment très peur pour elle. Puis, lorsque j’ai appris qu’elle s’en sortirait sans dommages, j’ai été prise d’une colère noire, d’un écœurement généralisé. Comment avait-elle osé faire ça ? Quel horrible acte égoïste, elle n’a pensé qu’à elle ! Nous qui avions tout fait pour l’entourer du mieux que l’on pouvait, voilà comment elle nous remercie ! Je n’étais pas la seule à être en colère : Papa, mon grand-père, Chéri, nous nous sentions tous trahis par son comportement. Papa a même refusé de lui parler pendant plusieurs semaines, et quand il l’a fait c’était pour lui crier dessus.

Moi j’ai eu un double comportement : je lui en voulais beaucoup, mais j’étais à présent la seule à pouvoir veiller sur elle, mon grand-père étant reparti en Italie et Papa refusant de lui parler. Ça a été une période difficile, où je me faisais violence pour la supporter, alors que je ne pouvais plus. Moi aussi j’avais envie de lui hurler dessus, mais je ne pouvais pas la laisser tomber. Je n’avais ni l’envie ni l’énergie pour la soutenir après cet acte, car tout simplement j’avais déjà tout investi avant. J’ai donc agi de façon mécanique.

Lorsqu’elle est rentrée chez elle, toujours diminuée à cause de son dos (elle se remettait à peine de sa 2ème opération), il est vite apparu qu’elle ne pouvait plus rester seule chez elle, car elle représentait un danger pour elle-même. Elle a donc été placée, avec son accord, dans un centre de soins pour soigner la . Je me forçais à venir la voir toutes les semaines après le boulot. Elle voyait plusieurs psys, dont une qui voulait que l’on fasse un thérapie à 3. J’ai dit oui, et j’ai fait tout ce qu’il fallait pour que ça aille bien pour Maman. Mais au fond de moi j’étais brisée.

Mon ressenti sur tout ça

Comprends-moi bien : je ne me suis pas sentie coupable du geste de Maman. Je ne l’avais pas délaissée, je l’ai entourée du mieux que j’ai pu, je lui ai réservé une place dans mon avenir à la ferme, sincèrement, je n’aurais pas pu faire plus. Pire, avec le boulot de fou que j’avais + le mariage à organiser, je devais vraiment me forcer pour continuer à venir la voir tous les weekends, et on ne peut pas dire que ces moments aient été « de qualité », car je repartais quasi systématiquement énervée de chez elle. J’aurais peut-être dû la forcer à se faire opérer avant, ne pas attendre que la douleur joue sur son moral, mais sur les autres aspects de sa vie (ne pas avoir d’homme avec qui partager sa vie, tout ça), je ne pouvais rien faire.

Malgré tout ça, elle avait choisi de mettre fin à sa vie, et ce geste avait été mûrement réfléchi. Sauf que ça a raté, et là maintenant elle a énormément besoin de soutien, d’amour et de compréhension, alors que moi mes batteries sont vides. Notre lien si précieux s’est brisé, et je suis bien consciente que si la colère peut s’estomper avec le temps, cette cassure-là est irréversible. Je me suis tout de même forcée à la voir souvent, puis j’ai craqué à mon tour. Je ne supportais même plus de la toucher, qu’elle se pende à mon cou. J’avais besoin de prendre du recul par rapport à tout ça. Comme elle était entre de bonnes mains au centre, je n’avais plus à m’inquiéter de savoir si elle était toujours en vie, je pouvais donc penser un peu à moi. Chéri a été d’une grande aide durant tout ce temps. Lui aussi s’était senti trahi, entre autres parce qu’elle lui avait dit que « Maintenant que je sais que ma fille est entre de bonnes mains avec toi, je peux partir en paix« . Il a très mal pris cette phrase, la pression qu’elle a mis sur ses épaules.

Papa a pris un peu le relais, et moi j’ai pu me recentrer sur moi-même, gérer ma colère. Je suis parvenue à me dire que je n’avais aucun droit sur la vie de Maman. C’est la sienne, et si elle choisit d’y mettre fin, je ne peux que l’accepter. Après tout, je ne pourrai pas la surveiller en continu le reste de ma vie, me demandant sans cesse si elle me ment, si elle est encore en vie, pour combien de temps, tout ça. J’ai appris à me détacher, à retirer cette pression qui était sur mes épaules. J’ai aussi compris les raisons qui ont poussé Maman à faire cela. J’ai réalisé que de son point de vue, c’était un acte très altruiste : elle faisait ça pour ne pas être un poids pour nous, et en cachette afin qu’on ne s’inquiète pas et qu’on ne culpabilise pas.

Épilogue

Crédit : longleanna (CC)

Maman est finalement rentrée chez elle, et elle a fait quelques projets d’avenir avec son psy. Je pensais qu’elle voudrait déménager, faire peau neuve de cette maison qui renferme tous ses souvenirs, bons et mauvais. Mais elle a décidé de rester : cette maison, c’est la sienne. Elle a subi sa 3ème opération, qu’elle craignait beaucoup (encore un long moment à être diminuée), puis elle s’est remise physiquement et enfin elle a pu être autonome pour la première fois depuis des années. Ça a eu un effet positif sur son moral, et enfin la spirale s’est mise à tourner du côté positif.

Elle a envoyé bouler ses projets de vie bien cadrée, et elle s’est concentrée sur la solution à sa solitude : adopter un chien. Maman a toujours eu des chats jusqu’à présent, car elle admirait leur indépendance. Or là, elle a besoin d’un compagnon fidèle, pour qui elle se sentira utile et aimée. En effet, quoi de mieux qu’un chien ? Entre-temps, la décision est tombée : elle est mise à la pré-pension, du fait de sa santé. Elle n’aura donc pas à subir un retour au travail humiliant auprès de ses collègues. Elle a donc tout le reste de sa vie devant elle, et elle peut en faire ce qu’elle veut. Pour l’instant, c’est très centré sur son chien : elle a fait de nombreuses recherches sur la race qui lui convenait le mieux, a visité plus de 10 élevages puis a attendu frénétiquement la venue au monde de « son bébé » et enfin l’a accueilli chez elle.

De mon côté, j’avoue avoir été très sceptique pendant de longs mois, car je considérais que Maman n’avait pas vraiment « changé » et qu’elle retombait facilement dans ses travers d’avant. J’ai également eu peur lorsque je l’ai vue centrer toute sa vie sur son chien, littéralement. Son seul projet c’était ça. Les voyages, reprendre une activité (cours du soir, tricot, bénévolat), rencontrer d’autres personnes, bref tout ce qu’elle avait construit avec la psy : envolé au profit du chien. Et s’il lui arrivait quelque chose au chien ? Ce n’est pas bon de s’attacher à un seul et même individu comme à une bouée de sauvetage.

Puis j’ai compris : elle n’avait pas le choix. Elle n’avait plus d’amoureux, plus de boulot (qu’elle adorait et qui rythmait sa vie depuis ses 20 ans), son père parti à plus de 1000 km d’elle, et son dernier pilier, à savoir moi, elle devait s’en détacher afin de « me laisser respirer ». Et comme elle n’était pas encore assez forte pour se reconstruire seule, elle avait besoin d’un nouveau pilier, et c’est devenu son chien. En effet, je ne peux pas lui demander de se reconstruire seule et d’aller bien comme ça, en quelques semaines à peine, alors que moi-même je ne l’entoure plus d’affection. Et je dois dire que depuis que le chien est arrivé dans sa vie, je vois Maman qui revit. Et ça me rassure.

Je recommence donc à l’appeler de temps en temps, parce que j’en ai envie (alors qu’avant je me forçais, par pure politesse), je lui donne un bisou quand je la vois (alors que je ne supportais plus de la toucher), et récemment je me suis surprise à lui proposer de moi-même qu’on se regarde un film à 2, comme autrefois (j’ai l’impression que c’était dans une autre vie). Même si au bout d’un an après son acte, je n’ai toujours pas retrouvé ce lien si spécial qui nous unissait (comme dit plus haut, je crois bien qu’il est définitivement cassé), je me/nous laisse le temps de retrouver une relation saine, de retrouver le plaisir d’être ensemble, et ce sera déjà une grande victoire. Ces petits moments reste rares, c’est uniquement lorsque j’en ai envie, vraiment envie, j’essaie de ne plus me forcer. Et elle me tape toujours très vite sur les nerfs, j’ai l’impression qu’elle n’a pas changé, qu’elle ne « saisit pas » la chance qu’elle a d’être encore en vie, sans séquelle, et de pouvoir prendre un nouveau départ.

Mais c’est sa vie, son choix, et j’apprends à le respecter, même si je ne la comprends pas toujours. Et concernant son départ avec nous à la ferme, en France, nous n’abordons tout simplement plus le sujet. La dépendance que nous pensions transformer en maison pour elle, et bien ce sera un gîte. Et si d’ici quelques années elle décide de finalement nous rejoindre, et bien ce sera sa décision à elle, et non pas nous qui la lui imposons. Le gîte deviendra alors sa maison, et puis c’est tout, pas de prise de tête. Nous apprenons à vivre au jour le jour, et même si c’est loin d’être rose, je redécouvre petit à petit la joie d’avoir une Maman, moi qui pensais l’avoir perdue peu à peu depuis des années déjà…

Et toi, as-tu des proches qui ont attenté à leurs jours ? Côtoie-tu des personnes déprimées ? Comment as-tu géré cela ? Raconte-moi tout !

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19 Comments

  • Nathalie

    21 février 2019

    Ton témoignage est saisissant, et d’une grande honnêteté.

    Merci et bon courage à vous tous !

    • Madame Ophrys

      21 février 2019

      Merci beaucoup.
      Ce n’était pas facile (et ça ne l’est toujours pas, même si ça va mieux des 2 côtés).

  • Pippa

    21 février 2019

    Comme Nathalie, j’aime la franchise dans tes articles et ce témoignage est vraiment bouleversant.

    *envoi maximal d’ondes positives*

    • Madame Ophrys

      21 février 2019

      Merci beaucoup.
      C’est à la fois difficile et en même temps ça fait du bien d’en parler.
      Puis je me dis que ça pourra aider d’autres personnes qui sont dans une situation similaire.

  • Virg

    21 février 2019

    Au final, je trouve que cet article reflète parfaitement ce que ta mère vivait mal. Tu sembles être rentrée dans une spirale de prise en charge « forcée » de ta mère sous couvert de bienveillance, lui retirant tout sentiment d’être mère, elle s’est laissé engluée là dedans au lieu de recadrer vos relations « t’es gentille ma fille mais je sais me gérer seule ». C’était finalement hyper malsain. Gratifiant pour toi, tu étais une bonne fille qui s’occupait de ta mère mais hyper humiliant pour ta mère.
    Je vous souhaite bon courage dans vos relations futures. Je l’ai déjà dit, j’ai vécu une expérience similaire mais presque inverse : chacun de nous voyait bien la personne couler, essayait d’être présent mais la personne était plus consciente de sa place que ta mère et ne sait jamais laissé gérée. La conclusion a été la même, une miraculée, et cette expérience a changé notre regard sur elle. Mais ce n’est pas un mal, pour ma part, je me suis surtout aperçu que je ne profitais pas assez de sa présence dans ma vie et j’ai corrigé ça au fur et à mesure. On ne sait pas quand la vie nous prendra un proche, du coup, je ne veux rien regretter.

  • Madame Ophrys

    21 février 2019

    Effectivement c’était une situation embarrassante pour ma mère, qui culpabilisait d’être un poids pour nous, et que ce soit moi qui doive m’occuper d’elle (et non l’inverse, d’après son rôle de maman).
    Par contre pour moi c’était pas gratifiant du tout, c’était même difficile à vivre comme situation…

    Je comprends que tu as vécu une situation similaire. Quand la personne ne veut pas se faire aider ce n’est pas évident du tout en effet.
    Ici la situation était double : elle admettait volontiers avoir besoin de moi, puis s’en voulait d’être dépendante et essayait de se montrer forte. Bref, pas facile de savoir sur quel pied danser.
    Et je suis d’accord avec toi : même si notre relation n’est plus comme avant, j’ai la chance d’avoir encore ma Maman à mes côtés. Et ça c’est bien.
    J’ai juste l’impression que j’en suis plus consciente qu’elle…

    • Virg

      21 février 2019

      Ça revient petit à petit, la personne dont je te parle a enterré son mari après et a énormément de problèmes de santé. Tu sais quoi ? Elle a vendu sa maison, s’est acheté un appart près de chez nous, s’est insrite d’elle même aux assocs de sa nouvelle ville, part voir des spectacles, en voyages organisées, etc. Ça a pris du temps mais désormais elle est décidée à croquer à pleine dent cette vie qu’elle voulait quitter. C’est elle qui nous rappelle qu’il faut en profiter 😉 je vous souhaite d’arriver à la même conclusion, elle est rigolote et ça fait vraiment plaisir à voir 😉

      • Madame Ophrys

        21 février 2019

        Et bien j’espère sincèrement que Maman fera pareil !
        Elle avait tout bien préparé avec sa psy (nouvelle maison, voyage, bénévolat, loisirs, etc.), puis finalement ça a disparu…
        Enfin pour l’instant. Je ne désespère pas, chaque chose en son temps !
        Mais bon, sachant que je vais partir loin d’elle dans pas longtemps, ce serait cool qu’elle se soit « reprise en main » pour que je parte l’esprit tranquille…

        • Virg

          22 février 2019

          J’ai oublié de préciser qu’elle a aussi coché la case « chien centre de ma vie » 😉 nous lui avons assuré que nous la garderions en cas de besoin, ce que nous faisons tous selon nos dispos, pour la libérer (voyage, rendez-vous doc et surtout malheureusement en prévision de son espérance de vie réduite). Ça va venir, vraiment je pense que ta maman ne peut que remonter la pente. Ça s’apparente à une reconstruction de la personne, ça prend donc forcément du temps. Bon courage à vous tous <3

          • Madame Ophrys

            3 mars 2019

            Merci pour ton point de vue professionnel.
            Pour l’instant j’avoue que je suis surtout épuisée, je n’ai plus envie de « faire des efforts ».
            Moi je n’ai pas été pendant 3 mois dans un institut spécialisé, avec des kyrielles de médecins pour prendre soin de moi.
            Moi j’ai dû continuer ma vie seule (comprendre, sans professionnel pour m’encourager, heureusement j’ai pu compter sur mon père et mon mari), et en plus c’est moi qui ai dû tout faire pour l’aider elle à se sentir mieux…
            Donc là maintenant, environ 1 an et demi après la TS, j’ai vraiment besoin de souffler et de penser à moi.
            Mais je n’écarte pas l’idée d’une « vraie » thérapie familiale, lorsque j’aurai à nouveau de l’énergie à dépenser dans cette démarche.

          • Madame Ophrys

            3 mars 2019

            Oups pardon Virg, ma réponse ci-dessus était destinée au commentaire de Maug (erreur de manip…)
            Et oui en effet, s’occuper d’un chien est thérapeutique pour les personnes dépressives ou qui ont fait une TS.
            Espérons qu’elle se reconstruira, qu’elle deviendra son propre pilier et qu’elle décide enfin de vivre pleinement.

  • Maug

    21 février 2019

    Merci beaucoup de ce témoignage tout en finesse. Il décrit très bien les émotions (colère, incompréhension, stupeur… que beaucoup des proches de mes patients (qui ont fait des tentatives de suicide) me disent ressentir. Souvent, ils me disent: « mais comment vais je pouvoir lui faire à nouveau confiance ? » La confiance met du temps à revenir en général, mais elle peut revenir, si le dialogue persiste.
    Une petite question, tu dis avoir fait une thérapie à 3? Cétait qui la troisième personne ? Dans une thérapie familiale, c est l ensemble de la famille qui est soignée, pas seulement le « malade » désigné comme tel. Tu dis l avoir fait pour ta mère, mais en as tu ressenti finalement un bénéfice aussi pour toi ?
    Parfois, je propose aussi aux proches des personnes ayant fait une tentative de suicide une psychothérapie individuelle, pour eux. Pour qu ils puissent se projeter dans une vie à eux, quoi que fasse leur proche. En effet, il peut être compliqué d être soi-même dans des projets de vie (pro, perso, avoir des enfants, les élever, etc..) alors que l un des piliers de leur propre vie veut ou a voulu mourir.
    La psychothérapie peut aider chacun à porter son propre sac à dos.
    Courage pour la suite, mais vous avez l air d avoir fait déjà un bon bout de chemin.
    Une dernière chose, que je dis toujours à mes patients et leurs proches: dans les avions, dans les consignes aux voyageurs, quand il y a une dépressurisation, on doit d abord mettre son propre masque avant d aider les autres à mettre le sien. Parce qu on aidera personne si on tombe inconscient. Dans la vraie vie, c est pareil. Il faut prendre soin de soi pour pouvoir aider les autres dans un second temps.
    Courage à tous ceux qui vivent des situations difficiles.

    • Madame Ophrys

      22 février 2019

      Merci pour ton commentaire.
      En effet, le côté « comment vais-je lui faire confiance à présent » a persisté longtemps, jusqu’à ce que je me dise que je ne pourrai pas la fliquer tout le reste de sa/ma vie.
      C’est sa vie, sa décision, et si jamais un jour elle recommence, ce ne sera pas de ma faute, je dois me détacher de ce poids sur mes épaules.

      Le plus dur a été de l’entourer « à nouveau », alors que mes batteries à moi étaient vides, car j’avais déjà tant donné auparavant (et ça n’avait servi à rien du tout), donc je menais vraiment un double jeu, à me forcer à la voir mais en lui faisant bien comprendre que ce n’était pas par plaisir… Et du coup forcément ça ne lui faisait pas forcément du bien.
      Heureusement mon père, qui lui en a beaucoup voulu au début, a ensuite pris le relais auprès d’elle afin que je me « repose » et qu’elle ne reste pas seule.

      Sinon la thérapie à 3, c’était la psy, ma mère et moi. Mes parents étant divorcés, j’étais le seul et unique pilier de ma mère, donc c’est avec moi que la psy a travaillé. Sauf que c’était dans le seul et unique but que ma mère aille mieux, à aucun moment la psy ne s’est intéressée à ma détresse (et ma colère) à moi, au du moins je ne l’ai pas ressenti du coup.
      Elle a passé son temps à me répéter que ma mère avait besoin d’être entourée (genre je le faisais pas déjà…), et même si ma mère confirmait que j’étais une fille « exemplaire », la psy tenait absolument à ce que je formule des « promesses » comme quoi elle pouvait continuer à compter sur moi à l’avenir.
      Bref, tu l’as compris, je n’ai pas bien vécu ces séances du tout, c’était hyper hypocrite à mes yeux. Et même pour ma mère, c’était « jouer le jeu », elle préférait de loin les séances en face à face avec sa psy plutôt que cette thérapie à 3.
      Donc oui, j’aurais bien voulu qu’on m’accorde un tant soit peu d’attention à moi aussi, car je n’avais aucun « reproche » à me faire, je n’avais en aucun cas délaissé ma mère, et moi aussi j’étais en grande détresse/colère.

      Et je suis d’accord avec toi, il faut d’abord penser à soi avant de s’occuper des autres. C’est cet équilibre que je n’ai pas su trouver, car je m’occupais beaucoup de ma mère, au détriment de moi-même et de mon mari. Ça a d’ailleurs créé beaucoup de tensions dans notre couple, mais je n’avais pas le choix (ou du moins je le pensais).
      Et en même temps, je faisais payer à ma mère le fait que je devais me consacrer à elle, donc au final personne n’était heureux dans cette histoire.

      C’est pour ça qu’au bout d’un moment j’ai enfin pensé à moi et j’ai coupé les ponts avec ma mère. Enfin, autant que faire se peut. Parce que je me forçais quand même, et je me force toujours aujourd’hui, à la voir et lui parler (plus qu’uniquement quand j’en ai envie).

      C’est aussi pour ça que j’ai hâte de déménager en France et de faire notre projet de vie, à mon mari et moi. De s’occuper de nous. De ne plus devoir aller la voir tous les 15 jours. De souffler, enfin, de vivre pour moi, de construire mon avenir.
      Mais pour que je sois réellement sereine, il faudrait que je sois sûre qu’elle soit en état de se prendre seule en main (et ça j’en suis pas certaine du tout, vu que la dernière fois qu’on a abordé le sujet du déménagement, elle est allée pleurer dans la cuisine pendant 1h… Et je ne suis pas allée la consoler, j’ai envoyé mon mari. Zut à la fin !).

      Bref, beaucoup de chemin déjà fait, mais encore beaucoup de chemin à faire.

      • Maug

        24 février 2019

        Salut. Donc, ce n était pas une thérapie familiale que tu as eu avec ta mère et la psy, mais des entretiens centrés sur ta mère. Comme tu conclues qu il y a encore pas mal de chemin à faire, je te conseille vraiment une vraie thérapie familiale (toi et ta mère), avec un thérapeute qui n a jamais vu ta mère avant ( ni toi !). L’idée est que c est votre relation, votre système familial qui est à aider, pas seulement ta mère. Vous serez au même titre en thérapie et cela ne tournera pas seulement autour de ta mère.
        Si cela peut vous aider à ce que le départ en France se fasse sereinement, ça vaut le coup. Il y a beaucoup de thérapeutes familiaux en Belgique, vous devriez trouver.

        • Madame Ophrys

          3 mars 2019

          Merci pour ton point de vue professionnel.
          Pour l’instant j’avoue que je suis surtout épuisée, je n’ai plus envie de « faire des efforts ».
          Moi je n’ai pas été pendant 3 mois dans un institut spécialisé, avec des kyrielles de médecins pour prendre soin de moi.
          Moi j’ai dû continuer ma vie seule (comprendre, sans professionnel pour m’encourager, heureusement j’ai pu compter sur mon père et mon mari), et en plus c’est moi qui ai dû tout faire pour l’aider elle à se sentir mieux…
          Donc là maintenant, environ 1 an et demi après la TS, j’ai vraiment besoin de souffler et de penser à moi.
          Mais je n’écarte pas l’idée d’une « vraie » thérapie familiale, lorsque j’aurai à nouveau de l’énergie à dépenser dans cette démarche.

  • Folie Douce

    22 février 2019

    Merci pour ce témoignage qui n’a pas dû être facile à écrire. Du point de vue de ta maman on comprend qu’elle a tout planifié en pensant beaucoup à ses proches, ce n’est pas un acte égoïste comme on peut le penser. C’est le problème de l’état dépressif : on se persuade que nos proches seront mieux sans nous alors qu’en fait non, pire ils se sentent trahis. Ça doit être particulièrement compliqué à gérer pour toi puisque tu es sa seule enfant. Je te souhaite de réussir à construire ta vie à toi sereinement malgré tout. Pour le lien que tu sens brisé peut-être plus tard pourrez-vous vous envisager une vraie thérapie familiale pour discuter de votre relation ?

    • Madame Ophrys

      3 mars 2019

      C’est ça, en fait ma mère a été très altruiste (de son point de vue du moins), elle ne voulait surtout pas qu’on découvre que c’était un suicide et ça a été planifié sur de longs mois.
      De mon côté, je suis vite arrivée à la conclusion que ce n’était pas de ma faute (car je faisais vraiment de mon mieux pour l’entourer au maximum), et que je devais respecter sa décision car c’était sa vie.
      De mon côté par contre je compte bien vivre la mienne. J’ai plein de projets qui sont en préparation (dont notre fameuse micro-ferme), et j’essaie de partir sereine, sans m’inquiéter pour ma mère et surtout sans lui en vouloir (mais c’est pas facile).
      Et comme expliqué à Maug ci-dessus, pour l’instant je n’envisage pas de refaire une thérapie car je n’ai plus d’énergie à y consacrer pour l’instant.

  • Marion

    23 février 2019

    Bonjour Madame Ophrys, merci beaucoup pour ce texte. C’est un témoignage sincère, sans concession, ni pour toi ni pour ta mère. On sent quand même tout le recul et la maturité qu’il t’a fallu acquérir pour en arriver là. Chapeau. Je vous souhaite de tout coeur une relation apaisée à l’avenir.

    • Madame Ophrys

      3 mars 2019

      Merci beaucoup, ton commentaire me fait très plaisir !
      En effet, la TS a eu lieu il y a environ 1 an et demi, et même si nous avons pas mal avancé depuis, clairement ma relation avec ma mère n’est pas encore au beau fixe, loin de là…
      Ça prend longtemps, très longtemps de s’en remettre, pour la victime mais aussi pour ses proches (ce que l’on a tendance à ignorer).

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