Vivre avec une mère anorexique et dépressive

rapport au corps

Ma mère est anorexique dépressive depuis ma plus tendre enfance, et crois-moi, ce n’est pas toujours facile. Cette maladie a ruiné ma jeunesse et une partie de ma vie d’adulte, elle m’a fait beaucoup souffrir et m’a conduite à des comportements qui ne me correspondaient pas vraiment.

La vie avec une mère anorexique et dépressive, ça ressemble à quoi ?

Tout d’abord, il y a bien sûr le problème avec la nourriture. Le réel souci que ma mère avait avec la nourriture a fait que nos repas, quand elle les préparait, étaient fades et insipides. Tout était bouilli, sans saveurs, et très très light. Pas forcément le régime alimentaire dont on a besoin quand on est en pleine croissance ! Quand mon père cuisinait, c’était toujours bien meilleur, c’était de vrais repas. Ma mère, quant à elle, ne mangeait pas comme nous, du coup il y avait deux repas au même moment. On est loin du repas familial agréable.

Bien sûr, il n’y avait pas de sucreries, pas d’écarts, pas de restaurant. Tout ça était réservé aux autres enfants. Le menu était défini pour la semaine, et changeait peu d’une semaine à l’autre. Du coup, quand j’allais dans les anniversaires d’amis, je me ruais sur les bonbons et les gâteaux. Pas très poli tout ça !

rapport au corps

Crédits photo (creative commons) : Robert Moran

Forcément, une mère anorexique a un problème avec son image et son corps. Et moi aussi. Ça me faisait tort quand je l’apercevais en sous-vêtements, ou quand elle se mettait en maillot de bain, ce qui arrivait rarement. Parce qu’il y a aussi le regard des autres qui joue, et ça se comprend. Voir quelqu’un d’aussi squelettique est dérangeant, on regarde et on détourne le regard, mais ça soulève un peu le cœur.

Très jeune, j’ai dû moi aussi affronter le regard des autres et assumer l’état de ma mère, alors que ce n’était pas à moi de le faire. Pour tout dire, je n’aimais pas la voir, j’avais honte… Je n’imagine même pas ce qu’il se passait dans la tête de mon père, qui devait faire face à ce corps au quotidien, et qui devait assumer ça lui aussi. Ce n’était vraiment pas juste.

Son côté dépressif a aussi fait que je me suis retrouvée face à une femme dure, qui ne laissait rien passer. Qui ne faisait jamais de câlins, qui me critiquait tout le temps. Qui faisait une différence entre mon frère aîné et moi, qu’elle a longtemps idolâtré et privilégié. Heureusement, mon père faisait tampon entre nous, il m’apportait l’affection que je ne recevais pas d’elle.

On s’est beaucoup disputées durant mon adolescence. Elle n’hésitait pas à me dire que j’étais trop grosse, que je ne ferais rien de ma vie. Elle a été jusqu’à me dire que je finirais sur le trottoir si je continuais comme ça, le jour où j’ai pris mon courage à deux mains pour lui demander de prendre la pilule à 15 ans, alors que j’étais avec mon copain depuis plus d’un an et que je voulais être responsable. Difficile à vivre quand on se construit…

À partir de ce jour, j’ai décidé de me blinder. De travailler le plus possible à l’école pour partir aussi vite que je le pouvais de chez moi.

Et j’ai réussi. À 17 ans, mon bac en poche, je suis partie. J’ai fait une classe prépa, je me suis débrouillée avec mes 350 euros de bourse par mois pour vivre. Je subissais ses reproches de ne pas rentrer, mais je n’en avais pas les moyens, ni l’envie. Le retour chez mes parents était une torture, je me renfermais dans le travail pour échapper à ce quotidien, comme je l’avais fait depuis la 4ème.

J’étais en couple avec un garçon dont la famille était unie, j’allais les voir le plus possible, dédaignant ma propre famille. La difficulté de rester chez mes parents était trop grande pour ne pas tenter d’y échapper, bien que je culpabilisais de laisser mon père, mon petit frère et ma petite sœur…

Mon désir d’indépendance a poussé mon couple a bout, et à force de non-dits et d’incompréhension, mon ancien copain a décidé de me laisser tomber, sans une parole et par l’intermédiaire de son père (courageux hein !).

Je me suis retrouvée à la rue, j’ai failli devoir laisser tomber mes études, mais mes amis et mes enseignants de classe prépa m’ont soutenue et m’ont fait traverser cette passe difficile. Malgré deux loyers à payer (celui de mon ancien appart, et celui de ma chambre d’internat), ma mère n’a jamais daigné me proposer de m’aider financièrement. Depuis, je n’ai plus rien attendu d’elle.

Nous nous sommes rapprochées un peu quand j’ai eu mon fils, bien qu’elle m’ait dit que je gâchais ma vie en ayant un enfant si jeune, avec un compagnon plus vieux que moi. Mais, après mon accouchement, ses travers ont repris de plus belle. Elle n’a eu de cesse de me répéter que j’étais beaucoup trop grosse, que j’allais avoir du diabète, qu’il fallait vraiment que je perde du poids, que je devais faire attention à ce que je donnais à manger à mon fils. Elle critiquait mes préparatifs de mariage. Rien n’était jamais assez bien pour elle, comme depuis toujours.

Alors, avec l’aide mon mari, j’ai coupé les ponts. Pour moi, pour ma famille. Pendant quatre mois, je ne leur ai plus parlé. Je n’ai plus redouté sa visite et les crises de larmes qui survenaient une fois qu’elle partait. Nous avons repris contact peu à peu, grâce à mon père, que j’ai malheureusement fait souffrir. Il me manquait, mais pour une fois, je choisissais de dire non à ma mère. Et ça a été libérateur.

Aujourd’hui

Aujourd’hui, tout va beaucoup mieux. J’ai rencontré un homme formidable qui m’a sauvé de moi-même. Nous avons un magnifique petit garçon, et notre famille est la chose la plus importante qui soit.

Après une période très critique avec mes parents, ça va mieux entre nous. Ma mère ne me fait plus de réflexions, elle semble avoir accepté mon mari. Je vois mes parents régulièrement, et ma mère fait une tentative de soins. Je ne sais pas si ça fonctionnera, et je ne préfère pas y fonder trop d’espoirs. Elle m’a trop déçue par le passé pour lui accorder ma confiance aujourd’hui.

Mais tout n’est pas réglé. J’ai un problème avec mon corps, même si ça se règle peu à peu. Je suis dans un surpoids assez conséquent, et je suis incapable de faire de régime. J’ai trop souffert de vivre de repas édulcorés, avec une mère qui pesait tous ses aliments. Alors je fais attention, je mange aussi équilibré que possible. Mais faire un régime est au-dessus de mes forces, ça m’angoisse et me fait trop souffrir pour le moment. Peut-être qu’un jour, cela sera possible.

Il y a encore de nombreux non-dits dans ma famille. Une colère qui reste tapie envers ma mère. Mon entourage me dit de faire des efforts. J’en fais quelques-uns, mais je pose toujours une barrière avec ma mère, tout simplement pour me protéger.

Ceux qui viennent d’une famille aimante ont du mal à le comprendre, cela nécessite des explications de ma part quand je leur en parle. Et, parfois, ça ne suffit pas.

Je ne sais pas si j’arriverai à lui pardonner un jour…

Et toi, tu as vécu avec un proche ayant des problème similaires ? Ça a beaucoup affecté vos relations ? Quel vision as-tu de toi-même aujourd’hui ? Viens en discuter…

Toi aussi, tu veux témoigner ? C’est par ici !

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6 Comments

  • Clette

    13 avril 2015

    🙁 ça n’a vraiment pas du être facile pour toi ! Ma mère a pas mal de soucis avec son corps depuis … toujours j’ai l’impression, enfin au moins depuis ma naissance. Elle n’est pas réellement anorexique, mais elle est « sur le fil du rasoir », c’est à dire qu’elle s’alimente, mais elle ne mange jamais de trus qu’elle appelle « gras » en prononçant le mot comme si c’était la chose la plus degoutante du monde. Elle ne mange pas de féculents, sauf du riz. Elle ne mange aucun plat avec pas mal de fromage, de lardons, ect. Impossible de lui faire manger une tartiflette ! En fait en salé, elle ne mange que du poisson et des légumes, et en petites quantités. Heuresement, elle est assez bec sucré donc elle peut craquer sur un bon dessert parfois. Mais quand elle craque, elle a du mal à s’arrêter de manger et elle devient de vachement mauvaise haumeur, sèche et cassante ave les autres.
    Elle dit souvent qu’elle se trouve trop grosse alors qu’elle fait à tout casser 50kg pour 1m67, et veille à ne pas prendre un kilo de plus. Quand mon frère et moi vivions avec nos parents, elle nous disputait quand on vidait le pot de nutella trop vite, et on sentait tout son dégoût pour les produits « gras » (j’insiste sur ce mot car il revient très souvent). Heuresement pour moi, j’ai un métabolisme de foufou qui fait que quoique je mange je reste mince, du coup elle ne m’a jamais fait de remarques sur mon poids, mais je pense que si j’avais grossi de façon non contrôlée elle m’aurait aidée plutôt que de m’humilier. Elle est maladroite mais elle fait au mieux pour ses enfants. J’ai néamoins eu un « passage à vide » d’un an qui m’a fait approcher l’anorexie, et la vraie, pas l’espèce de contrôle freak comme ma mère, qui a cessé dès que j’ai compris que je ne faisais que reproduire en pire le schéma maternel. Maintenant, je me dis que j’aurais préféré qu’elle profite de la vie et qu’elle soit un peu en surpoids, plutôt que d’être en permanence à l’affût de son corps. Quand elle est mécontente de son corps, ça la rend egoïste et méchante. Je me suis jurée que quand je serai maman, je ne me plaindrai jamais de mon corps devant mes enfats, et je ferai mon possible pour prôner l’acceptation de soi, quelque soir le poids. Pour ton cas, je crois que pardonner ta maman sera l’acte le plus libérateur qui soit. Moi j’ai parfois de la pitié pour ma mère qui a tout mais qui se gâche réellement la vie pour 3 kilos ….

  • Fleur-Joséphine

    13 avril 2015

    Quelle histoire. C’est chouette de lire que vos relations connaissent du mieux, j’espère que ça durera en continuant à s’améliorer.
    Merci pour ton témoignage!

    • Nathalie Chrétien

      18 août 2021

      Ton histoire avec ton corps s est aussi le mien . Ma mère 75 ans 28 kg anorexique depuis toujours se faisant soigner quand la mort est trop proche mais un corps affaiblit qui n en finit pas de lâcher. Oui qui n en finit pas. Cela fait 30 ans que nous subissons cela 30 ans voir plus ou je le réfugie dans la nourriture 30 ans obésité morbide car je n’ai pas le courage d’entamer un régime depuis peu j’arrive à souhaiter qu’elle disparaisse qu’elle nous laisse en paix car c’est un chantage psychologique son nom sans fin tous les jours et pourtant j’habite à 600 km je n’en peux plus nous pouvons plus elle nous a gâcher l’existence comme elle s est gâcher la sienne. J ai décidé que cela été fini je ne l apoelerait plus je n irais plus la voir . Je veux vivre et elle essaie de nous détruire même inconsciemment. Tout être humain a le droit de se détruire il en a la possibilité il est libre mais moi j’ai le droit d’être heureuse et de vivre alors même si elle est ma mère elle n’a pas le droit de m’entraîner avec elle dans son abîme.

  • Karine

    13 avril 2015

    Pas facile du tout comme histoire…. Un wagon de courage pour toi!

    Et aussi… ne fais JAMAIS de régime, ça sert à rien, c’est inutile, tu vas perdre et tout reprendre quelques temps plus tard. Ce n’est pas la bonne solution pour perdre du poids. Si cela t’intéresse regarde ce que fais le Dr Zermatti, c’est mieux pour le poids 😉 (parole de diet)

  • Azoulay Noam

    13 octobre 2016

    Ma mère est anorexique depuis ma naissance (13) ans cela me fâche mon adolescence et m’influence vers la boulimie que faire??

  • Anne

    8 octobre 2019

    je souhaite contacter la personne qui a écrit ce texte. comment faire?

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