Déjà si le titre de cet article t’a intéressé, bravo, une moitié du chemin est déjà parcourue ! Je suis venue te parler des bienfaits de cette danse ultra-magnifique qu’est le tango, et essayer de te convaincre de t’y mettre toi aussi. Et pour cela, je vais d’abord te raconter mon histoire…
J’ai eu la chance de naître dans une famille d’artistes, qui n’ont eu à produire que peu d’efforts pour être des bêtes dans leur spécialité. Une vraie chance parce que très tôt, j’ai goûté à l’art sous plusieurs formes, j’ai été stimulée artistiquement, j’ai développé des goûts et des connaissances solides, notamment en musique. Bon.
Mais une malédiction aussi. Quand tu es la seule petite fille dans ton cours de danse classique à qui on demande de rester assise sur le côté, le ventre rentré et les bras en l’air pendant tout le gala par exemple, alors que ton frère, à 9 ans, te tape du Michael Jackson parfaitement à la simple vision d’un clip. Quand, après 10 ans de piano auprès des meilleurs professeurs, tu sais à peine suivre tes partitions de la Méthode Rose, tandis que ton autre frère est déjà né avec l’oreille absolue et que le piano, pour lui, c’est un peu comme écrire pour toi, une sorte de formalité. Quand ta famille te demande gentiment d’éviter cette deuxième voix parce qu’elle est un peu fausse, « t’entends pas ? », etc. etc. Bref, oui, c’est aussi une malédiction. De naître Le Vilain Petit Canard dans une famille d’artistes nés.
Toute ma vie mon père m’a répété : « C’est que tu n’as pas trouvé ton instrument. » J’ai essayé plein de trucs, je me suis dit qu’il mettait vraiment du temps à venir, cet instrument, qu’il devait bien se cacher… mais il est arrivé !
Ne va pas croire que je suis une bête de danse, hein ! Peut-être que, toi aussi, tu as connu les joies d’une boîte de nuit bondée, et l’embarras lorsqu’il s’agissait de suivre une pseudo-choré « trop facile » selon tes potes, et que ton sens de la coordination te faisait cruellement défaut. Toi aussi, tu as peut-être essayé de te remettre à la danse moderne à l’âge adulte, et tu es arrivée dans un cours soi-disant « débutant » où en fait toutes les nanas avaient déjà un peu touché gamine. Et peut-être, toi aussi es-tu sortie de là en pleurant dans les bras de ton mari et hurlant : « Je suis un éléphaaaaaaaant ! ». Peut-être. Mais ça c’est pas un problème.
J’ai découvert le tango le 11 décembre 2013 (ouais, 11/12/13… ça doit être une sorte de signe) et ne l’ai plus lâché depuis.
Crédits photo (creative commons) : fercho112
Bon, je triche un peu, c’est vrai : dans une période un peu sombre de ma vie, je suis allée fouler à l’excès les parquets du club de fitness. Et oui, crois-moi : la coordination s’acquiert, même chez les pires daubes (parce que le niveau de daube que j’étais dépasse l’entendement et tout ce que tu peux t’imaginer… en fait, je ne connaissais même pas ma droite et ma gauche). Oui, c’est vrai aussi, l’héritage culturel maternel, très cosmopolite, mais résolument hispanique, m’a permis de ne pas réellement « découvrir » la musique tango. J’y étais déjà familiarisée, j’aimais déjà ça, je le fantasmais déjà. Mais agir, danser, a dépassé toutes mes espérances…
Ce soir du 11 décembre 2013 donc, je suis allée dans un bar de la ville de province où je vis. Une association de tango était là, et ils dansaient manifestement complètement librement (trois adverbes en -ment d’un coup, tu vois, j’en perds mon latin) sur la petite scène du bar. Les couples changeaient, se reformaient et tout le monde dansait, à des niveaux différents, sans se juger. J’étais émerveillée.
Ce sourire béat cloué à mon visage explique peut-être cela, mais un homme est venu m’inviter à danser : « Oh mais je n’ai jamais dansé, je ne suis pas très douée pour ces choses-là ! » L’homme me répond : « Pas de problème, il faut bien commencer un jour ! ».
Et là… bonheur ultime. Pendant trois chansons magnifiques. (Oui, parce qu’au tango, quand on accepte l’invitation de quelqu’un, on lui doit 2 ou 3 danses selon le type de tango jusqu’à la cortina, interlude musical.) Je suis retournée à ma chaise complètement enchantée, convaincue que c’était mon truc, parce que ça me parle cette histoire, c’est profond, je le sens au fond de moi que le tango est là, quelque part et qu’il m’attendait.
Bon, aucun autre homme ne m’a proposé dans la soirée. Evidemment, pour moi, ça ne pouvait être synonyme que d’une chose : une fois de plus, j’échouais et j’étais nulle. Une fois de plus, je suis rentrée à la maison en larmes, exprimant à mon mari mon désarroi, mon coup de foudre déçu. Mais MariDoux ne m’a pas laissée m’appitoyer sur mon sort. Non, non. Il m’a dit: « Demain, tu appelles l’asso et t’y retournes. »
Ce que j’ai fait. Et n’ai jamais regretté. Il se trouve en fait qu’en 6 mois, ma progression a été franchement fulgurante et cette danse m’a fait tellement de bien que j’avais envie de le partager. Maintenant, il me reste à te convaincre.
Pourquoi te mettre au tango ?
- Parce qu’en France, il reste rare qu’on s’y soit mise enfant. Donc il n’est jamais trop tard pour s’y mettre, contrairement à la danse classique ou modern-jazz. Les très bonnes danseuses de mon coin sont en général très âgées.
- Parce que c’est justement une activité tous-âges. Il manque de gens de moins de 40 ans dans les petites villes de province, certes, mais pour moi qui ai 25 ans, c’est agréable pour une fois, d’évoluer et de danser avec des hommes plus vieux, qui donc sont moins dans la démarche de « pécho a’ight psst mademoiselle t’es trop charmante », contrairement à la salsa que j’avais tentée et abandonnée, légèrement dégoûtée.
Mais les ambiances des assos de grandes villes sont plus jeunes et tout aussi respectueuses, c’est l’esprit tango, ça, en fait ! - Parce que partout dans le monde et en France, on danse le tango. Dans toutes les grandes villes (et même plein de petites), des « milongas » (bals tango) sont organisées et en général, elles brassent beaucoup de monde. Il y a des festivals tango tout le temps, même dans ta région j’en suis sûre !
- Parce que c’est super varié ! Il existe trois types de tango officiels : les tangos purs donc, les valses tango et les milongas (bal tango ET type de danse tango, homonyme). Trois types de danses très différents et chacun y trouve son compte et ses préférences.
Il y a aussi le Nuevo, très dansé par une population généralement plus jeune, très sympa et ludique, surtout pratiqué dans les grandes villes. Bref, tu y trouveras ton bonheur (moi mon truc, ce sont les tangos purs). - Bon là, c’est un argument pour les nénettes, désolée pour les hommes ! En fait, le tango pour une femme, c’est carrément vachement plus facile que pour un homme.
Alors oui, y a un côté vachement macho qu’il te faudra accepter, dans le cadre de ta pratique : ce sont les hommes qui invitent, et toi, pendant qu’ils dansent avec d’autres, tu dois poser comme un joli pot de fleur souriant sur le bord de la piste en attendant qu’un homme daigne te regarder. Plus tu souris, plus tu seras invitée, c’est comme ça.
Mais alors après, c’est le monsieur qui fait tout, le plus dur de la danse, c’est au monsieur de le concevoir. En fait, quand une femme danse bien au tango, c’est 80% grâce au monsieur, 20% grâce à son talent. Et le pire c’est que malgré tous ces efforts de Monsieur, le public n’a d’yeux que pour Madame. Oui c’est ingrat, oui c’est bien plus facile pour nous… Mais POUR UNE FOIS hein !!! Ils vont pas nous pondre une pendule ! - Aucun pas à apprendre : le tango argentin, c’est de l’IM-PRO-VI-SA-TION. Et c’est Monsieur qui mène. Donc pour ces messieurs, il s’agit de décider de ses pas, il n’y a aucune obligation de performance, ça se passe au feeling, on fait ce qu’on SAIT faire et surtout uniquement ce qu’on AIME faire. Et toi, tu te reposes et tu te laisses faire. Pas de stress, tu ne comptes pas, ça va bien se passer.
- Parce que ça fait vachement de bien au corps : l’endurance que ça te demande est super limitée, tu peux faire facile 2 heures de tango sans être essoufflé. Mais à la fois, tu sens que ton corps a travaillé, tes fesses, tes jambes, tes bras, et même tes abdos à terme (pour les hommes aussi, mais peut-être un peu plus pour toi avec tes 9 cm de talons !), mais tout ça se fait en douceur et avec un tel plaisir…
Tu rentres chez toi fatiguée, mais sainement, sans être complètement exténuée comme après une heure de footing, tu vois… (Ou plutôt 20 minutes de footing dans mon cas.) - Parce qu’on est tout beaux pour danser ! Ouais, c’est sympa ton cycliste jaune et ton haut de chez Décat’ tout rose, et ta super queue de cheval à l’arrache et ton visage rougissant quand tu sors du club de sport. Ça fait eighties, c’est cool, y’a un certain style. Mais franchement, la petite robe noire et tes petits talons canons, et ton chignon effet négligé, c’est quand même plus seyant.
Et je dis ça parce que je suis une meuf, mais pour les gars, c’est pareil : c’est l’occaz de sortir le costard du mariage du meilleur pote ! Enfin, si ils veulent !
Parce que là encore le tango n’est pas exigeant. On veut se faire hyper belle, hyper apprêtée, on ne sera pas jugée, c’est normal. Mais un soir, si on a envie d’être belle en baggy et en baskets, on peut aussi, ça ne dérange personne. Le tango est tolérant, il est ouvert, et tout le monde est beau à partir du moment où il danse. - Parce que ça fait du bien à la tête : le tango, c’est l’apprentissage de la déconnexion. Une thérapie inespérée donc, pour quelqu’un qui, comme moi, avait bien des soucis. Apprendre à se déconnecter du reste, n’être que dans le moment, dans la danse, dans l’émerveillement du mouvement présent. C’est tout.
Être en connexion avec l’autre, l’autre être humain qu’on ne connaissait pas forcément 2 minutes avant, mais sur qui on se repose là, maintenant et qui se repose sur nous, avec qui on communique sans se fatiguer à parler, juste par le corps et les gestes. Bref, une vrai thérapie de l’action, sur-efficace et à consommer sans aucune modération.
Je m’arrête là, mais je pense qu’il existe encore 15 000 raisons de commencer le tango.
N’hésite pas à me poser plein de questions, j’y répondrai avec un plaisir non-dissimulé. Je suis bien à fond dans plein de trucs en rapport avec le tango maintenant et du coup, je pense pouvoir répondre (et si je ne peux pas répondre, je demanderai à des gens plus compétents). Et si tu veux juste réagir, je serai également ravie de te lire !
Et toi ? Tu as grandi dans une famille d’artistes ? Tu t’es sentie comme le vilain petit canard parce que tu n’avais pas ce don familial ? Tu as fini par avoir une révélation, ou pas du tout ? Tu espères toujours l’avoir un jour, ou tu t’es résignée ? Raconte !
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Toi aussi, tu veux témoigner ? C’est par ici !
Nya
23 juin 2014Très chouette ton article, pour moi qui n’y connais rien à la danse et n’ai que des mauvais souvenirs liés à cette discipline, les moqueries des camarades au collège, et l’impression très forte d’être une monstre de décoordination. Je ne pense pas que je m’y mettrai un jour, mais c’est agréable de lire le témoignage de quelqu’un qui aime passionnément cette discipline et dont les débuts furent aussi laborieux 🙂
KittieKate
23 juin 2014Merci énormément pour ces jolis compliments 🙂 Oui, vraiment, je n’exagère rien… Alors si ça te fait envie, vraiment, un jour, n’hésite pas une seconde et jette-toi dessus! Je t’assure qu’on n’en meurt pas! 😉
Madame Penny
23 juin 2014Moi aussi j’ai essayé le tango avec mon cher et tendre, pour notre mariage. Nous qui ne sommes pas particulièrement doués pour danser (la grâce des hippopotames, tu connais ? ^^), nous avons adoré cette danse, sensuelle, et qui permet de dire tant de chose sans sortir aucun mot. Alors ça nous a pris du temps pour mettre au point une seule malheureuse danse, mais j’ai tellement apprécié que j’aimerais beaucoup continuer (du moins si mon mari veut bien lui aussi), et cette fois profiter du côté improvisation du tango ! Je n’aurais jamais pensé être capable de danser le tango argentin, comme quoi on ne perd rien à essayer…
KittieKate
23 juin 2014Oh oui ce serait une belle idée! Je vous y encourage en tout cas! Je n’ai pas la chance de pratiquer avec mon mari, que le tango n’intéresse pas le moins du monde, mais ça doit être tellement pratique de pouvoir s’entraîner ensemble…!
Mlle Dragon
1 juillet 2014Eh bien moi qui comptais m’y mettre à la rentrée, avec M. Dragon, tu n’as fais que me conforter dans ma décision! 🙂 J’espère progresser rapidement aussi, mais je ne m’inquiète pas car j’ai déjà pas mal d’années de danses (tahitienne, orientale, contemporaine,…) et que mon homme est un excellent danseur. Dommage que nous n’ayons pas commencé cette année, j’aurais aimé ouvrir notre bal de mariage par un tango, mais pour le 13 septembre ça m’étonnerait qu’on est beaucoup progressé si on commence à la rentrée! ^^
Flaneur
12 juillet 2014Bonjour,
Je danse le tango depuis 10 ans maintenant et si mon regard … d’homme, aussi bien lorsque j’étais débutant que maintenant 10 ans après, présente des différences (heureusement :), je trouve ce témoignage très vrai. Il reflète beaucoup de réflexions que l’on entend chez ceux qui commencent et ils sont nombreux à regretter de ne pas avoir commencer avant. Cependant, je tiens à préciser que cette danse demande une certaine patience car l’on souhaite souvent progresser plus vite que ce que l’on fait.
Margot
19 juillet 2014Et bien tu me tentes!
Mais les talons sont-ils obligatoires? Je mesure déjà 1 m 80! Or dans une danse de macho comme ça, n’est ce pas un point négatif si je mesure 15 cms de plus que mon cavalier?
Clara
14 janvier 2015Ton article m’a beaucoup intéressé, ton histoire m’a touché et tout cela m’a donné envie, peut-être pas de me lancer pour longtemps, mais au moins d’essayer. Vu que je suis d’une timidité maladive, le fait que tu expliques que la « communauté tango » était très tolérante m’a un petit peu rassuré.
Merci
Laura
23 avril 2016Super article, merci ! Ça donne envie, en effet. Je vais chercher dès maintenant …