Vivre avec un hypocondriaque

Tu le connais bien.

Ça fait déjà plusieurs années que vous partagez votre vie ensemble.

Ce n’est pas la première fois que tu le vois perdre pied comme ça.

Et cette fois ci tu le sens tu n’arrives pas a le détourner de ses pensées. Tu n’arrives pas à arrêter cette descente aux enfer, et tu le vois s’enfoncer.

Tu le sais vous allez traverser une période compliquée. Tu vas menacer de partir, de le quitter. Lui dire que tu ne peux plus supporter.

Tu vas t’inquiéter parce que tu le sais bien, il le pense réellement quand il te dit qu’il va mourir. Il le pense quand il est terrorisée de ne pas vivre ce qu’il se passera dans six mois, un an, cinq ans.

Ces phrases qui te plongent dans un profond désespoir :

    • « Tu te remettras avec quelqu’un quand je ne serais plus là ? »
    • « Tu garderas contact avec ma famille ? »
    • « Tu parleras à nos proches de moi et de la personne que j’étais pour ne pas que je sois juste une personne sur des photos ? »

Ces questions que tu tentes d’ignorer (mais qui te crispent et te donnent la sensation de sentir ton cœur se fissurer de t’obliger à penser à vivre sans lui/) tu y réponds. Sur tout les tons.

Parfois sérieusement, tu sais qu’il est très mal. Il est au fond du trou et a besoin d’être rassuré.

Parfois sur le ton de la dérision. Tu te protèges et n’a pas envie de réfléchir à ce genre de question.

Parfois tu hurles. Tu t’énerves et essaie de le secouer. « Mais voyons tu vois bien que tu es en crise d’hypocondrie et que tu n’as rien ?! »

Non il ne voit pas.

Pas dans ces moments là.

C’est évident, regarde tous les symptômes qui s’accumulent, regarde quand il fait comme ça il a vu sur une vidéo internet que c’est censé faire ci, et chez lui ça fait pas vraiment exactement ci mais plutôt ça.

Et puis, toutes tes explications bénignes pour expliquer ses symptômes ça ne colle pas.

Il a eu une démarche scientifique pour les étudier ses symptômes, il a regardé des cours de médecine sur internet, pas les forums, donc il en est sûr. Il est malade et cette maladie, dans le meilleur des cas, tue en moins de 5 ans.

Ce n’est pas la première fois que tu vis ça. Les attentes dans les salles d’IRM tu as déjà vécu. Les accompagnements, les pleurs, les angoisses, le ventre qui se serre. Tu sais que tout ça passe petit à petit une fois tous les examens revenus parfaits.

Alors tu attends que la tempête passe.

Tu essaies de tenir pour lui parce que tu l’aimes et que tu sais que c’est une maladie. Il ne fait pas ça pour t’embêter.

Tu essaies de le rassurer car c’est bien là ce qui te fait le plus de mal. De voir dans ses yeux cette peur de mourir.

Source : pixabay.com (Creative Commons)

Tu tiens jusqu’à des temps plus cléments ou ses angoisses seront un peu calmées.

Tu le sais maintenant, effectivement il est malade. Il est hypocondriaque.

Même lui le reconnaît, mais « Même les hypocondriaques peuvent être malade ».

Ça tu le sais, tu n’as pas de doute la-dessus, malheureusement ça serait trop facile d’être sûre qu’il ne sera jamais malade.

Mais tu sais aussi que le jour ou il sera vraiment malade tu le verras. Tout simplement parce que ça ne fera pas des mois que tu tenteras d’éviter l’inévitable.

Après des mois à voir les symptômes changer au grès des maladies ciblées, tu as bien vu la maladie qui est l’élue cette fois ci. Les symptômes vont s’affirmer et apparaître en accéléré à partir de ce moment là.

Au fur et à mesure tous les symptômes listés sur une page internet « fiable » vont devenir ses symptômes. Même les malades ayant cette maladie n’ont pas à ce point le tiercé gagnant des symptômes, mais lui si.

Et puis tu le connais bien. Tu sais dans quelles périodes de vulnérabilité les risques sont accrus et récemment vous étiez en plein dans une de ces périodes à risque.

 

Vivre avec un hypocondriaque ce n’est pas comme dans les comédies. La plupart du temps ta vie est tout aussi basique que celle des autres. Mais pour le reste du temps ça n’a rien de drôle…

« Sera tu toujours là si je suis gravement malade ? » Oui je resterai jusqu’au bout mon amour, mais vivement que cette crise passe.

Tu as vécu ce genre de situation et tu as trouvé des moyens pour aider ton conjoint? Tu es hypocondriaque mais tu as décidé de te soigner? Viens nous raconter!

Relatetd Post

9 Comments

  • Madame Fleur

    9 mai 2017

    Comme dans mon couple, c’est moi celle qui a des tendances hypocondriaques. Je dis tendances car j’arrive toujours à me raisonner ou à être raisonnée par mon mari.
    Cela me fait de la peine de te lire parce que du coup, je me rends compte combien cela peut être dur pour mon mari de vivre ça à mes côtés.

    • Tervantes

      22 mai 2017

      C’est dur de voir la personne que l’on aime souffrir et réellement penser qu’elle va mourir rapidement. Mais au final je pense que la souffrance est beaucoup plus pour mon conjoint que pour moi.

  • Marina

    9 mai 2017

    On parle toujours à la légère des personnes hypocondriaques, moi-même je me définis comme çà, mais je ne savais pas que çà pouvait être aussi grave et devenir une « vraie » maladie psychiatrique (j’ai l’impression que c’est ce que tu décris) qui ne peut être raisonnée et qui fait vivre des moments très douloureux à l’entourage. Bon courage !

    • Tervantes

      22 mai 2017

      L’hypocondrie est une maladie psychiatrique qu’on a tendance à minimiser et à tourner en ridicule. C’est pour ça que je voulais écrire la dessus pour montrer que c’était une vraie souffrance et qu’il n’y a en fait rien de « drôle » contrairement à l’image que véhiculent certains films.
      Et souvent ce ne sont pas des gens qui vont chez le médecin pour le moindre rhume non plus…

  • Elodie

    10 mai 2017

    Je trouve que tu es très courageuse et très amoureuse pour endurer ses crises. J’ai l’impression qu’il ne s’agit pas que d’hypocondrie mais aussi d’une réelle peur de la mort, de l’abandon etc
    A t-il essayé de voir un psychologue? La sophro? l’acupuncture?le reiki?
    Ses questions sont plus tournées vers la vie sans lui, sait-il pourquoi il a si peur de mourir? Est-ce la quantité de vie qui compte ou la qualité? Je pense qu’il devrait se faire aider si ce n’est pas déjà le cas pour méditer à tout cela, trouver des réponses à ses questions et que vous ayez une vie plus sereine.

    bon courage

    • Tervantes

      22 mai 2017

      Alors la vraie hypocondrie c’est une anxiété exacerbée et une peur de mourir et des maladies graves. C’est en tout cas la définition première de cette maladie.
      Il est suivi depuis peu par un psychiatre mais effectivement certains événements de son passé amplifient sa peur de mourir et d’abandonner ses proches.

      L’autre problème souvent avec l’hypocondrie c’est que les crises se font sur des symptômes de bases qui peuvent en fait être bénins (le sont même dans la majorité des cas) mais le schéma mental de la personne à tendance à tout rattacher à des maladies graves entraînant une mort rapide (ou douloureuse)

  • Lola

    10 mai 2017

    Je trouve ce texte très beau et encore plus ta determination pour surmonter ça à ses côté malgré les difficultés.

    Malheureusement quand on a une pathologie pshychique je ne sais que trop bien les difficultés pour s’en « séparer » et que seul le temps aide à surmonter ça et défaire ses schéma. Bon courage à vous!

    • Tervantes

      22 mai 2017

      Je l’ai choisi avec ses défauts et ses qualités. On me dit parfois que c’est quand même un gros défaut mais (sans comparaison aucune) aurais-je pu l’abandonner s’il avait un cancer? C’est une maladie comme une autre et je ne me vois pas ne pas rester avec lui à cause d’une maladie.

      Je sais qu’il fait des efforts pour s’en sortir et ça me suffit à me dire que je ne peux pas le quitter à cause de ça. Et comme tu dis à par attendre et essayer de le comprendre le plus possible il n’y a pas grand chose à faire.

  • Lily

    22 novembre 2020

    Bonjour,

    Merci pour votre texte.
    Moi je vis en couple depuis 10 ans avec un hypocondriaque : je ne le savais et depuis 2 ans c’est l’enfer.
    Du sang dans ses selles alors panique à bord et peur de mourir = médecin de garde, urgences à l’hôpital, consultation avec un gastro-entérologue mais même la consultation de praticiens ne le rassure pas et comme il faut faire des examens, nouvelle panique à bord (ici coloscopie) = peur de mourir de l’anésthésie, finalement cela s’est bien passé mais médecin très désagréable et pas rassurant (ne donne pas le discours attendu par mon conjoint).
    On a tout fait pour découvrir qu’il y a bien quelque chose, une ulcération, mais on ne sait toujours pas quelle maladie exactement.
    Consultation d’un autre praticien qui conseille un régime alimentaire : fonctionne très bien mais une nouvelle alerte un soir qui fait replonger dans la dramatisation d’une mort prochaine (le cancer).
    En plus, il fait des associations : il a ça parce qu’il a écouté telle musique.

    Pas simple, je perds vite patience et on se dispute : lui se braque et déforme mes propose, moi j’essaie de l’écouter et de comprendre sa peur mais ça me saoule.
    Pour moi il ne fait pas d’efforts.

    Bref pas facile et sur le long terme, quelle vie cela sera ?
    Il a consulté un psychologue mais il l’a déglingué donc contre-productif et là il voit un sophrologue mais bon il ne travaille pas sur l’essentiel (peur de la maladie, la mort).

    Lui qui aime tant la vie, se la gâche avec toutes ces peurs et moi-même je panique plus maintenant sur le moindre symptôme ou douleurs.

    Bon courage à vous et espérant que cela s’apaise, s’améliore un jour

Leave A Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *

vingt − 19 =