Se remettre de la tentative de suicide d’un proche – l’avant

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Aujourd’hui, je voudrais aborder avec toi un sujet sensible, très sensible, même un peu tabou. Et qui me touche particulièrement, puisque j’ai été confrontée à la tentative de suicide de ma Maman. Peut-être que cet article pourra t’aider si tu es dans ma situation, ou si tu crois déceler des signes avant-coureurs chez un proche.

La situation de départ

Ma Maman est la personne la plus gentille du monde. C’est important à préciser, parce que c’est totalement vrai et que ça joue beaucoup. Le genre de Maman que tous mes amis m’enviaient quand ils venaient à la maison, le genre qui tient à toi mais te laisse vivre ta vie, le genre qui se bouge au travail pour sauver son collègue d’un licenciement abusif, le genre que tu peux appeler à n’importe quel moment et qui aura toujours une parole réconfortante ou qui sera sincèrement ravie à l’annonce d’une bonne nouvelle, bref, une Maman proche de la perfection.

Sauf qu’une personne qui distribue de l’amour à à peu près tout le monde, souvent cette personne a un énorme besoin d’en recevoir. Mes parents sont divorcés depuis 18 ans maintenant, mais s’entendent encore très bien tous les deux, assez pour faire souvent des réunions de famille ensemble ou pour que mon Papa passe installer la nouvelle télé chez Maman ou l’aider à changer ses pneus. J’ai eu un beau-père qui a fait partie de la vie de Maman quelques années. Ils se voyaient finir leur vie ensemble, j’étais heureuse pour eux, et c’est rassurée que j’ai quitté le domicile maternel en la sachant « entre de bonnes mains ». Sauf que leur relation s’est détériorée, et Maman s’est retrouvée à nouveau seule, mais cette fois-ci sans moi. Il faut savoir que je suis fille unique et que j’ai toujours été très proche de Maman.

Par ailleurs, Maman a toujours eu une santé fragile, surtout au niveau du dos. Elle était souvent bloquée, avait de nombreuses sciatiques, mais elle s’était « habituée », et moi aussi. Puis elle a eu un souci à l’épaule qui a été très mal soigné, et la douleur n’est plus jamais repartie. Mais elle s’est habituée, et moi aussi. Il faut savoir que Maman ne voulait pas que je m’inquiète pour elle. Je savais qu’elle avait mal, mais dans ma tête on ne savait rien faire, et puis elle était habituée, la douleur faisait partie de son quotidien mais c’était gérable. En fait non.

Se remettre de la tentative de suicide d'un proche

Crédit : StockSnap (CC)

La lente descente

Dès le moment où mon ex-beau-père a quitté la maison, Chéri et moi revenions systématiquement tous les weekends lui rendre visite et je l’appelais quasi tous les jours. Elle nous a beaucoup soutenu dans notre projet de micro-ferme, et pour Chéri et moi c’était clair : on l’emmènerait avec nous. On avait même prévu de lui attribuer la dépendance principale de notre maison, histoire qu’elle ait son propre chez-elle, mais pas loin de nous. Malgré cela, j’étais bien consciente que la situation n’était pas facile à vivre pour Maman, et que cela se dégradait.

Moralement, Maman se sentait seule, même si elle faisait de son mieux pour le cacher. Et même si je venais la voir souvent, ce n’était bien évidemment pas la même chose que d’avoir quelqu’un à ses côtés quand elle rentrait chez elle le soir, quelqu’un avec qui partager sa vie et son cœur, tout simplement. Alors si on ajoute à cela la douleur présente, chaque jour, et qui ne fait que s’amplifier au fur et à mesure, là ça pose souci. Maman n’aime pas se sentir inutile, être un poids. Or tout cela handicapait de plus en plus, dans son travail (qu’elle adore), et dans ses relations avec nous (parce qu’à la fois elle est heureuse de voir qu’on l’entoure du mieux qu’on peut, mais qu’elle se sent coupable d’empiéter sur notre vie de couple).

Nous avons fini par nous mettre autour de la table et décréter que l’état de son dos s’était véritablement dégradé, que cela ne pouvait pas continuer comme ça et qu’il faudrait passer par l’opération. Le médecin lui explique que cela doit se faire en 3x, à différents endroits, et que chaque opération nécessite plusieurs mois d’alitement ou presque pour s’en remettre. Ça ne l’enchante pas trop de se savoir hors service pendant si longtemps, mais elle accepte et subit donc une première opération au niveau des cervicales.

Puis nous avons organisé notre mariage (que j’ai raconté en détails sur Mademoiselle Dentelle), et ça lui a véritablement fait du bien au moral car elle a pris une grande part à toute l’organisation. Pour autant, nous avions un peu peur de « l’après », quand il n’y aurait plus rien à organiser pour elle (le wedding blues, mais pour les parents quoi). Sauf que si tu as lu mes chroniques, tu sais qu’elle s’est bloqué gravement le dos le soir de mon mariage.

Cela a donc précipité la 2ème opération de son dos, qui était prévue pour fin d’année. A peine remise de la précédente, la voilà à nouveau alitée. Son père est revenu spécialement d’Italie pour veiller sur elle nuit et jour, afin que Chéri et moi puissions vivre pleinement notre voyage de noces et reprendre le travail sereinement. De notre côté, Chéri et moi prenons la décision de déménager à moins de 10 min de Maman, en attendant notre grand départ en France à tous les 3. Ces résolutions, sensées faire plaisir à Maman, la font se sentir encore plus coupable de « nous causer du souci ». Nous l’entourons donc en la rassurant du mieux que l’on peut.

Crédit : rebcenter-moscow (CC)

Quand le point de non-retour arrive

Finalement elle se remet plutôt bien de sa 2ème opération, elle retrouve une certaine autonomie, mon grand-père repart en Italie et nous envisageons ensemble la 3ème opération. A ce moment-là, cela fait presqu’un an qu’elle n’a plus mis les pieds au travail, à cause des enchaînements de blocages et opérations. Maman se projette facilement dans l’avenir, parlant de ce qui se passera après sa 3ème opération, le bonheur de pouvoir se déplacer sans douleur, et même le rôle qu’elle tiendra dans notre micro-ferme.

Chéri et moi sommes heureux de la voir comme ça, on se dit que me pire est derrière nous et qu’elle est sur la pente ascendante maintenant. Jusqu’à ce jour où je reçois un coup de fil de Papa, me spécifiant que Maman a fait un malaise et se trouve à l’hôpital. Evidemment je m’inquiète un peu (elle a mal réagi à ses médicaments ?), mais je sais que Papa s’en va aux nouvelles et qu’il me tiendra au courant. Il me re-téléphone environ une heure plus tard et m’annonce l’impensable : Maman a fait une tentative de suicide. Et il est fort probable qu’elle ne s’en sorte pas.

Et toi, as-tu connu des périodes dans la vie où rien n’allait du tout ? T’es-tu inquiétée de l’état de santé d’un de tes proches, de ses sautes d’humeur ? Raconte-moi tout.

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13 Comments

  • Virg

    11 février 2019

    J’ai bien connu ça, elle se plaignait de l’évidence mais pas du plus important aussi.

    • Madame Ophrys

      12 février 2019

      Oui, et puis quand ça devient récurrent, ben on s’y habitue. Alors qu’on ne devrait pas…
      Ou alors on ne s’intéresse pas à la cause du problème, et on ne « traite » que les symptômes.

  • Madame Givrée

    11 février 2019

    Quel choc ça a dû être pour toi :(… J’ai connu ça aussi, ce n’était pas ma mère mais un membre de la famille… On ne s’en remet pas comme ça…

    • Madame Ophrys

      12 février 2019

      Je suis désolée que tu aies connu ça. La personne s’en est remise ? Et son entourage ?
      De mon côté en effet ça a été un choc, surtout juste après l’euphorie de la période mariage.

  • Maug

    11 février 2019

    Bonjour. Merci beaucoup de ce témoignage. Comme celui de Rigel, il permet de briser le silence. Merci mille fois.
    Je l ai dit ailleurs, je suis psychiatre aux urgences, et il est vraiment important de pouvoir parler du suicide et de ses conséquences. C est ensemble qu il faut agir, personnes en souffrance, familles, amis et professionnels.
    Encore merci.

    • Madame Ophrys

      12 février 2019

      Merci Maug de suivre nos récits. En effet c’est un sujet important, qui mérite que l’on en parle AVANT qu’il ne soit trop tard.
      C’était ici « l’introduction » si je puis dire, afin de comprendre au mieux la situation.
      J’attends ton avis sur la chronique suivante du coup, qui parle du problème en lui-même, et comment les différentes parties peuvent s’en remettre.

      • Maug

        12 février 2019

        OK, je lirai tes prochains articles avec attention. À bientôt

  • Viviane

    13 février 2019

    Au vu de la personnalité très difficile de votre mère, on comprend mieux vos difficultés à vous projeter dans un projet d’enfant. Votre mère a indiscutablement besoin d’aide, mais je pense que vous devriez aussi consulter pour savoir comment gérer cette relation mère fille qui me parait pathogène (mais pas de votre fait).
    L’histoire survenue lors du mariage m’avait laissé penser que votre mère a besoin d’être le centre de l’attention, et cette TS renforce cette impression. J’espère (pour vous) que je me trompe.

    • Madame Ophrys

      14 février 2019

      Merci pour ta remarque (tu peux me tutoyer d’ailleurs, c’est plus sympa !).

      Effectivement, comme expliqué dans cette chronique, Maman a besoin de beaucoup d’affection, et je suis malheureusement la seule à pouvoir lui en donner pour l’instant.

      D’ailleurs tu te doutes que le fait de lui avoir annoncé que l’on partait à 500 km lui a fait un grand choc (et le fait de lui proposer de l’emmener avec nous n’a pas vraiment aidé, au contraire).

      Dans ma prochaine chronique j’expliquerai nos réactions suite à son geste, et comment nous avons lentement remonté la pente.

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